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- Oui, on rentre.
Je séchai mes larmes et pris le sac contenant ses affaires et on quitta la chambre, suivi de nos gardes du corps. Le silence était présent entre nous durant tout le trajet mais cela ne me dérangeait pas du tout.
En arrivant chez moi, mon père n'était pas là, et j'en étais contente, je dois l'avouer. Ma mère prit mon copain dans ses bras, ce qui m'étonna un peu, même si toutefois, cela me faisait vraiment plaisir.
La porte au bout du couloir – celle de la chambre de mon frère – s'ouvrit sur Kelly, qui accouru pour se jeter dans les bras de Flo. J'ai pu voir une grimace sur son visage, sûrement dû à la douleur, mais il n'a rien dit. Il l'embrassa sur la joue et on s'installa sur le canapé tout les quatre. Ma sœur, assise tout contre lui, lui posait des questions sur ses blessures et ne le quittait pas d'une semelle. C'était la première fois en une semaine qu'elle parlait autant.
Quand mon père a pointé le bout de son nez, à l'heure du déjeuner, il s'est installé à table et n'a pas prononcé un mot, puis il est repartit après avoir manger. Il n'a jamais vraiment apprécié Flo, et je crois que maintenant, il le déteste, et qu'il ne sera jamais capable de l'aimer. Je sais que pour lui, Flo est responsable de la mort de Fabien, et que par conséquent, jamais il ne l'acceptera dans la famille. Flo ne semblait pas s'en soucier, mais je sais qu'au fond de lui, ça lui faisait mal. Peut-être pas autant que moi, mais ça lui faisait de la peine.
- Attend, laisse-moi faire.
Jess m'aida à enfiler ma chemise noire malgré mes protestations et la laissai même la boutonner en la regardant faire. Elle fit de même avec ma veste de la même couleur. Je posai deux doigts sous son menton pour qu'elle me regarde et elle me fit un bref sourire quand ses yeux rencontrèrent les miens. Une immense tristesse imprégnait chaque parcelle de son joli visage.
De légers coups à la porte de la chambre nous sortit de cet instant et Kelly entra.
- Tu peux remonter la fermeture de ma robe, s'il te plaît ? demanda-t-elle timidement à sa sœur.
- Viens par là.
Elle aida Kelly, puis nous avons rejoint ses parents au salon pour partir. Son père détailla ma tenue et ses yeux s'agrandirent de surprise, avant qu'il ne se reprenne.
- Il ne vient pas, ordonna-t-il froidement.
- Il en a envie, et il en a le droit, lui répondit Jess sur le même ton.
- Il n'a rien à faire là-bas ! s'exclama-t-il.
- Si tu ne veux pas le voir, tu n'as qu'à rester ici. On y va.
Elle me prit la main et on se dirigea vers la porte. On monta en voiture, son père dans un second véhicule, et personne ne parla, même une fois arrivé au cimetière.
Camille, la copine de Fabien, nous attendait devant l'entrée. Jess me lâcha la main pour aller la prendre dans ses bras. Je fis de même, tout comme la mère de Jess, puis on s'avança pour entrer.
Pénétrer dans un cimetière me faisait toujours le même effet, même après toutes ses années. Je me rappelais de la solitude de mon frère et moi le jour de l'enterrement de ma mère. Mon père ne s'était même pas donné la peine d'y faire une brève apparition, même si d'un côté, ce n'était pas plus mal.
Aujourd'hui, même si ce n'est pas à ma mère qu'on dit adieu, je suis dans le même état qu'il y cinq ans. Je tiens la main d'une personne que j'aime, je fais tout pour ne pas pleurer et j'ai des bleus sur le visage.
Kelly pleurait en silence, blottie contre sa sœur, qui elle, ne versait pas une larme et avait le regard rivé sur le cercueil de son frère. Son visage était impassible mais son corps réagissait. Sa main comprimait mes doigts, ce qui me montrait qu'elle se faisait violence pour ne pas craquer.
Je ne connaissais personne, mis à part Thibault qui était tout de même venu. Il ne connaissait pas vraiment Fabien, mais voulait être présent pour Jess et même si elle n'allait probablement pas aller lui parler, le simple fait qu'elle puisse voir qu'il était là allait la réconforter.
En détournant mon regard de ce petit groupe de personnes toutes plus tristes les unes que les autres, j'ai vu, à l'entrée du cimetière que deux de nos gardes du corps interdisaient à un homme d'entrer. Quand j'ai pu voir son visage, le mien s'est décomposé. Il n'avait pas le droit d'être là, et de tout gâcher, pas aujourd'hui. Je lui avais promis de le tuer la prochaine fois que je le verrais, et j'ai toujours dis que je tiendrai toutes mes promesses, mais si je le faisais, Jess allait m'en vouloir jusqu'à la fin de mes jours. Et je n'avais vraiment pas besoin de ça.
Comme je sentais qu'il n'allait pas lâcher l'affaire – surtout quand il a croisé mon regard – je me suis penché près de l'oreille de Jess.
- Je reviens dans une minute, fais-moi confiance et ne bouge pas d'ici, je t'en pris, lui murmurai-je.
Son regard plein d'incompréhension s'accrocha au mien.
- Je t'aime, lui dis-je en l'embrassant sur la tempe, me détachant de sa main.
Elle se tourna pour me suivre du regard et quand elle vit où je me dirigeais et vers qui je marchais, elle secoua la tête pour essayer de me dissuader, mais je lui ai souris faiblement, comme pour lui dire « tout va bien, je ne ferai pas de bêtises « . Elle n'a rien fait et a reporté son attention en face d'elle, resserrant un peu plus sa sœur contre elle. Kelly n'aurait pas été présenté, Jess m'aurait suivi.
- Papa, tu n'as rien à faire ici, déclarai-je calmement en arrivant à la porte du cimetière.
- C'est votre père ? me demanda un des garde du corps.
- Oui.
Je me tournai vers mon géniteur.
- Dégages.
- Je…
- Pourquoi tu reviens toujours quand il ne le faut pas ? l'interrompis-je en me retenant de hurler. Pourquoi tu reviens tout simplement ? Personne n'a plus besoin de toi ici, encore moins en ce moment. Je t'ai dis de ne jamais revenir, alors casse-toi d'ici, lui dis-je avec haine.
Si j'aurais pu lui hurler au visage toutes les horreurs que je pensais de lui, je l'aurais fais volontiers, mais ce n'était pas du tout le moment. Si je continuais, j'allais exploser.
- Florian, écoute-moi, s'il te plait.
- Tu as deux minutes, pas une de plus, soufflai-je rageusement. Après, tu dégages, et tu ne reviens plus.
- J'ai voulu venir te voir à l'hôpital, mais je n'ai pas eu le courage. J'ai vraiment eu peur que tu disparaisses comme ta…
- Ça t'aurais tellement fait plaisir. Je suis vraiment désolé de te décevoir. Encore une fois, lâchai-je ironiquement.
- Tu te trompes, Florian. Je m'en veux de vous avoir laissé ton frère et toi.
Il avait vraiment l'air de penser ce qu'il disait, mais il m'a déjà prouvé plusieurs fois par le passé qu'il était très bon comédien. Je ne me laisserai pas berner, et puis de toute façon, jamais je ne lui pardonnerai ce qu'il a fait.
- Et qu'est-ce que tu veux ? Rattraper le temps perdu ? C'est trop tard, je n'attend plus rien de toi depuis très longtemps. Tout ce que je veux, c'est que tu disparaisses. Pour toujours.
- Laisse-moi une chance de me racheter, me supplia-t-il.
- Vas te faire foutre.
Je me détournai pour retrouver ma place auprès de Jess.
- Dis moi n'importe quoi et je le ferai ! dit-il désespérément.
- Très bien.
Je lui fis face à nouveau et un sourire se dessina sur son visage.
- Ramène le frère de ma copine.
Il perdit immédiatement son sourire idiot. Je le sais que je suis cruel, mais il l'a été pendant bien trop longtemps.
- Tu sais que je ne peux pas, se désola-t-il.
- Oh et bien, ramène maman alors, lui lançai-je méchamment.
- Florian…
- Tu m'as dis que tu ferais n'importe quoi et je viens de te faire deux propositions, que tu viens gentiment de refuser.
Il me retint par le bras avant que je parte.
- Quelque chose dans mes capacités, Florian. Je t'en pris.
- Maman aussi te priais d'arrêter, et tu t'en fichais éperdument. Tu ne la pas écoutée, et elle est morte par ta faute.
Je lui jetai un regard noir. Je lui avais fais mal, mais peu importe. Il le méritait, et je n'avais aucun remords à le faire souffrir de la sorte.
- La seule chose que tu pourrais encore faire pour moi, c'est de tuer l'ordure qui a détruit le cœur de la femme de vie.
Il n'a pas répondu, et je suis revenu vers elle. J'ai repris possession de sa main, et j'ai essayé de calmer mes tremblements de rage. Si elle s'en est apperçu, elle ne m'en a rien dit. Ou alors, elle était probablement trop préoccupée par ce qu'il se passait en face d'elle. Par ce cercueil qui disparaissait définitivement et silencieusement sous terre.
En rentrant de l'enterrement, le père de Jess a prit sa valise, a rapidement dit au revoir à sa famille et est retourné chez lui, dans le pays voisin. Je n'ai bien sûr rien dit lorsqu'il m'a craché au visage que j'aurais dû mourir à la place de son fils, que ça aurait dû être moi sous terre en ce moment, et non Fabien. Il avait eu besoin de se soulager en remettant la faute sur moi, et je l'ai compris. J'avais seulement été ravi qu'il aie attendu qu'on soit seul pour me le dire. Une engueulade entre Jess et son père n'était pas la bienvenue.
Le soir venu, Jess n'avait toujours pas décroché un mot. Ni à moi, ni a personne d'autre. Elle s'est contentée de faire un rapide dîner, qu'elle a à peine touché, puis elle est partie dans la chambre de son frère avec Kelly. Elle y était depuis plus de trois heures, il était maintenant vingt-trois heure et j'étais allongé seul dans son lit. Je voulais qu'elle vienne près de moi, mais sa sœur avait besoin d'elle. Plus que moi je n'avais besoin d'elle.
Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit, et Jess s'avança vers le lit, seulement vêtu d'un de mes tee-shirt. J'avais pensé qu'elle passerait la nuit auprès de sa sœur, et j'étais heureux qu'elle vienne. Je me déplaçai sur le côté pour lui laisser la place de se glisser contre moi. Elle m'avait tellement manquée pendant que j'étais à l'hôpital. Je m'étais habitué à dormir avec elle depuis plusieurs mois et plus d'une semaine sans elle avait été affreusement long. Ça avait dû l'être encore plus pour elle à cause de ce qu'il se passait chez elle.
Alors que je pensais qu'elle dormait, elle se redressa sur son coude pour me regarder et elle caressa ma joue du bout des doigts, doucement et en silence pendant plusieurs secondes.
- Pourquoi ton père était là ?