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- Veuillez nous suivre, s'il vous plaît.
Flo était à l'hôpital depuis déjà huit longs jours et il allait beaucoup mieux. À sa plus grande joie, il avait récupéré le droit de manger très rapidement, puisque ses organes endommagés étaient complétement remis. Les bleus sur son visage commençaient un peu à s'estomper, mais ses côtes le faisaient toujours souffrir, ce qui était normal puisque quatre d'entre elles étaient brisées.
Max était reparti auprès de sa petite famille, sachant son frère hors de danger, et je lui téléphonais chaque soir pour lui donner des nouvelles. Thibault venait passer au moins une heure par jour vers son meilleur ami, depuis les cinq derniers jours. Pour ma part, je rentrais chez moi tout les soirs à la fin des heures de visites et revenais tenir compagnie à Flo dès que la visite m'était autorisée. C'est-à-dire, très tôt le matin.
Max, Thibault et moi étions tout les trois suivis vingt-quatre heures sur vingt-quatre par deux hommes pour chacun de nous. Partout où j'allais, ces deux-là me suivaient. J'avais vraiment du mal au départ, mais ils étaient aimable, et en plus, ils étaient mes chauffeurs, ce qui me permettaient de bouger où je souhaitais quand je le voulais, même si mes destinations se résumaient à l'hôpital et la maison.
Mes parents étaient revenus d'Angleterre il y a quatre jours, malgré le fait que nous n'avions aucunes nouvelles de lui. Ils ne pouvaient pas rester dans le pays voisin éternellement.
Kelly pleurait sans cesse et ma mère la consolait, en se retenant de verser des larmes ce qui devenait parfois très difficile pour elle. J'étais reconnaissante envers mon père d'être revenu, même s'il restait quelque peu distant. Je ne pouvais pas le blâmer de m'en vouloir, mais ça me faisait mal. Il m'avait reproché une fois, de passer mes journées vers Flo et non vers ma famille, mais ce qu'il ne comprenait pas, c'est que je n'arrivais pas à rester chez moi. Cela m'était impossible de les voir souffrir et se morfondre toute la journée. Oui, je fuyais, mais ce n'est pas les membres de ma famille que je fuyais, c'était la douleur. Elle s'estompait un peu quand j'étais avec Flo et il me faisait sourire malgré tout. Il me permettait de m'échapper, et je pense que c'est pour cela que mon père m'en voulait. Je réussissais un peu à m'échapper, pas lui. Il avait même parlé un soir qu'il retournerait dans son pays après l'enterrement. Finalement, il allait prendre la fuite comme je le faisais. Mais quand il nous a annoncé cela, j'ai compris qu'il ne restait vers nous que par obligation. Que pour éviter de devoir subir un aller-retour France/Angleterre pour l'enterrement de son fils. Et ça ne faisait que plus mal.
J'avais aussi téléphoné à Camille, la copine de mon frère. Je l'avais fais quatre jours après sa mort, et elle n'en était que plus inquiète. Quand je lui ai annoncé la vérité, elle a tellement pleuré et ne voulait pas me croire, mais je sais qu'au fond d'elle, elle savais que je disais vrai. Je me suis excusée auprès d'elle je ne sais combien de fois, non seulement pour l'avoir privée d'une vie possible avec mon frère, mais aussi pour ne pas l'avoir prévenue plus tôt. J'aurais voulu la prévenir immédiatement, mais je n'en avais pas eu le droit. Les flics me l'avaient interdit, tout comme j'avais été obligée d'attendre deux jours pour parler à mes parents. Toutefois, elle ne m'en voulait pas. Avant de raccrocher, je lui avais promis de tout lui raconté un jour. Je lui devais l'entière vérité.
Aujourd'hui, était le jour de la sortie de Flo. Je suis arrivée à l'hôpital à la même heure que d'habitude, juste à temps pour le début des visites. Je ne pris pas la peine de frapper, et entrai directement dans sa chambre, où une infirmière était en train de changer le bandage de son torse. Elle me salua aimablement et je fis de même. Elle avait prit l'habitude de me voir arriver aussi tôt et n'en fut pas étonnée. En sortant, elle nous informa qu'elle repasserait tout à l'heure avant que Flo ne quitte l'hôpital.
- Viens par là toi, me sourit Flo.
Il était assis sur son lit, ses jambes touchant le sol. Il ne portait que son éternel pantalon de survêtement gris foncé, et son bandage blanc. Ses cheveux bruns étaient en bataille et il n'avait pas prit la peine de raser sa barbe qui avait pousser d'un bon centimètre depuis son arrivée, ce qui le rendait vraiment sexy. Le bleu qu'il avait sur la joue était devenu jaune, et ses coquarts étaient toujours présents, mais n'avaient plus la couleur noire de départ. C'était maintenant un mélange de plusieurs couleurs, pas très élégant.
Je m'avançai vers lui, debout entre ses jambes et me penchai pour l'embrasser rapidement , puis je me suis installée en tailleur sur son lit et j'ai fouillé dans mon sac.
- Merci ! s'exclama-t-il quand je lui tendis un paquet de gâteaux.
J'avais pris l'habitude de lui ramener cette même nourriture chaque jour, étant donné que ce qu'on lui servait ici était loin d'être suffisant pour lui. Il s'empressa de l'ouvrir pour savourer le goût du chocolat.
- C'est moi ou la nourriture que tu attends chaque jour ? lui demandais-je ironiquement.
- Ne me pose pas un dilemme pareil, c'est trop dur de réfléchir ! répondit-il d'un air faussement blasé.
Il réussit à me décrocher un sourire et il fit de même.
- Si tu savais comme j'ai hâte de sortir d'ici !
- Moi aussi, crois moi. Par contre, tu ne feras pas attention à mon père quand on rentrera.
Flo ne rentrait pas chez lui, mais chez moi. Il ne voulait pas me laisser seule, et ma mère ne voulait pas que je dorme ailleurs, même si mes gardes du corps étaient près de moi. J'avais donc proposé, ou plutôt imposé le fait que Flo dormirait chez nous pour le moment. Ma mère était contente, et mon père n'a pas émis d'objection, mais j'ai très bien vu que ça ne lui plaisait pas tout. De toute façon, il s'en va bientôt, et puis ce n'est pas chez lui mais chez ma mère qu'il va rester alors il n'a rien à redire à ce propos.
- Comment ça ?
- Je t'ai dis qu'il ne me parlait plus tellement, alors ne t'étonne pas s'il ne te jette même pas un regard, marmonnai-je.
- Je comprend, ne t'inquiète pas, me rassura-t-il en me prenant la main.
Je l'informai que Kelly avait hâte de le revoir. L'absence de mon frère lui pesait, et elle aimait beaucoup Flo. Avant tout ça, elle voyait déjà en lui un second grand frère, et elle avait voulu venir avec moi à l'hôpital une ou deux fois. Mon père l'en avait formellement interdit, alors elle était contente qu'il revienne enfin à la maison.
L'infirmière était repassée vers dix heures pour nous donner les médicaments nécessaires pour Flo, et nous dire au passage qu'il pouvait rentrer. Il a entreprit d'enfiler un tee-shirt, et les grognements qu'il a émit en levant les bras m'ont fait sourire.
- Arrête de te moquer et viens m'aider ! s'exclama-t-il en riant.
- C'est bon, j'arrive !
Je l'aidai à l'enfiler puis il me prit dans ses bras avec toute la délicatesse dont il pouvait faire preuve. Il me repoussa peu après, ses deux mains sur mes joues.
- J'ai une question qui me trotte dans la tête depuis plusieurs jours.
- Oui, dis-moi ?
Je ne savais pas pourquoi, mais je redoutais la question qu'il souhaitait me poser.
- C'est quoi ces lettres que tu as reçu de sa part ?
Ces lettres… Je ne lui en avais pas parlé mais le diable en personne l'avait mentionné cette nuit-là. Je pensais que Flo l'avait oublié, mais je m'étais trompée. Il avait seulement attendu quelques jours pour m'en parler, soit parce qu'il savait que ça ferait remonter ces souvenirs, pas encore envolés, soit pour voir si j'allais lui en parler de moi-même, ce que je ne comptais définitivement pas faire. Comme je pouvais voir une immense déception dans son regard, j'ai opté pour la seconde option.
J'ai pris ses mains dans les miennes pour me détourner de lui et m'asseoir sur le lit.
- Ce n'était rien, soufflai-je en plantant mes coudes dans mes cuisses, cachant mon visage dans mes mains.
- Tu n'as pas le droit de me mentir comme ça, Jess.
Il était debout devant moi et attendait la vérité.
- Vraiment, Flo. Ce n'était rien. S'il te plaît, pas maintenant.
Je relevai la tête vers lui et voyant qu'il attendait une réponse, j'ai continué.
- C'était seulement… J'ai juste reçu quelques enveloppes de sa part, qui ne contenait qu'une feuille de papier, où il y avait le symbole que j'ai dans le dos dessiné dessus.
- Combien ?
- Quatre. Une chaque lundi. La première quand on est retourné chez toi après l'agression des potes à Mylène.
Il souffla, énervé, et passa ses mains dans ses cheveux.
- Comment tu as pu ! s'exclama-t-il, se retenant de hausser le ton.
- S'il te plaît Flo… commençai-je, mes larmes menaçant de couler.
- Non ! s'écria-t-il. Tu n'avais pas le droit de me cacher ça ! Pas quelque chose d'aussi important Jess.
Il s'éloigna pour s'avancer jusqu'à la fenêtre, essayant sans doute de contenir une colère que je ne pouvais lui reprocher, et je me suis immédiatement précipitée près de lui. Je l'ai enlacé par derrière, posant délicatement mes mains sur son ventre, pleurant contre sa nuque. Je me sentais tellement pathétique à chaque fois que je pleurait, mais je ne pouvais retenir ces larmes, qui ressemblaient beaucoup à des larmes de détresse.
- Je sais, mais je ne voulais pas y croire. Je ne voulais pas penser qu'il était vraiment revenu. Pardon, je voulais te laisser croire que… Je n'en sais rien, Flo. Je voulais oublier.
Il se retourna et son regard s'était un peu adoucit, pendant que je continuais.
- Seulement oublier. Je t'en pris pardonne-moi, ne me laisse pas tomber, je ne te cacherai plus rien. Je te le promet.
Il caressa doucement ma joue et reprit d'une voix calme et douce. L'instant d'avant il était en colère et maintenant, il était redevenu serein.
- Arrête de toujours croire que je vais t'abandonner, puisque je ne le ferai pas. Mais j'aurais préféré que tu m'en parle.
- Je sais, mais j'avais peur de ta réaction. Et je pensais qu'il voulait seulement me faire peur. J'ai eu tort et je m'en veux tellement, Flo. Je suis désolée.
Flo me prit dans ses bras et caressa mes cheveux lentement.
- Je te pardonne et on n'en parle plus, d'accord ?
Je hochai la tête, et il m'embrassa doucement du bout des lèvres.
- On rentre à la maison maintenant ? me sourit-il.
- Oui, on rentre.