Chapter 77
1339mots
2022-10-21 04:45
77
Non, non, non, non…. Ce n'est pas possible. Non ! Il faut qu'il ouvre les yeux, il le faut absolument !
- Flo ! Flo, ouvre les yeux ! Je t'en pris !

Je criais et pleurais en même temps. Je secouais le corps inerte de Flo de toutes mes forces mais il ne bougeait pas. Il ne réagissait plus. Je martelais son torse pour qu'il se réveille mais il n'en fit rien. Je posai deux doigts tremblant dans son cou pour chercher les battements de son cœur. Je vérifiais partout, mais je ne trouvais pas son pouls. Mon cœur, quant à lui battait à tout rompre et semblait sur le point d'exploser.
- Non ! S'il te plait Flo ! Ne me fais pas ça… Je t'en pris… Tu m'as promis de ne pas m'abandonner, Flo… Tu me l'as promis… Je te l'interdis… Tu n'as pas le droit… Tiens ta promesse Flo ! Tiens-la… Je t'en supplie… Je t'en supplie… J'ai tellement besoin de toi, tellement…
Je posai ma tête sur son torse et pleurais en répétant ces morceaux de phrases incohérentes, même s'il ne pouvait plus m'entendre. Encore et encore, sans cesse. Pourquoi ? Pourquoi il m'a fait ça ? Pourquoi il me les a enlevé tout les deux ? Pourquoi s'amuse-t-il à ce point avec moi ?
Je me redressai soudainement et me retournai pour me retrouver face à une pièce vide. Ils étaient partit. Je me suis précipitée à la porte et j'ai descendu les escaliers en courant, des larmes de colère innondant mon visage. Sur le parking enneigé, j'ai vérifié l'intérieur de chaque voiture avant de me rendre à l'évidence : ils avaient disparu. Ils étaient venus seulement pour les tuer. Seulement pour m'achever.
Le cœur en miettes, je remontai les marches quatre à quatre jusqu'à l'appartement. Quand je suis entrée, ma vue s'est bloquée sur les deux… corps et sur la marre de sang qui les entourait, mes jambes m'ont lâchées. Je suis tombée et j'ai pleuré. Pendant très longtemps, je suis restée immobile, adossée à la porte, les jambes ramenées contre ma poitrine. J'étais là et je pleurais dans mes mains, cachant mes yeux de cette vision d'horreur, et toutes pensées sont sorties de ma tête. Je ne pensais plus, je ne voyais plus, je n'entendais plus. Je me contentais seulement de mes larmes.
Je me suis dis, au départ, que peut être c'était un cauchemar, mais tout était si réel, si improbable. Je le savais au fond de moi que ce jour arriverait, et je l'ai laissé arriver. J'ai laissé ce moment se dérouler sous mes yeux. J'ai assisté à un spectacle abominable cette nuit, je ne m'en remettrai jamais. Perdre deux des êtres les plus chers à mon cœur me paraissait tout bonnement impensable. Inaccessible et totalement insurmontable.

J'ai pu dire au revoir à Flo, mais pas à Fabien. Mon frère qui a tant fait pour moi ces trois dernières années, et même bien avant… Je l'ai laissé s'en aller sans me battre pour lui. Je n'aurais pas oublié mon sac, jamais il ne serais venu, et il serait toujours en vie… Je n'aurais pas eu affaire à son regard, empli de tristesse et de désespoir. J'ai, une fois de plus, détruit et déchiré ma famille.
J'ignore combien de temps je suis restée là, mais il fallait que je fasse quelque chose, sauf que je n'avais pas la moindre idée de ce que je devais faire. Je ne pouvais pas appeler la police, mais je pris le téléphone qui était sur la table basse. C'était celui de Flo, je n'avais pas le courage, ni la force de chercher le mien. Je me recroquevillai sur le canapé et fis défiler les contacts pour appeler la seule personne dont j'avais réellement besoin. La sonnerie résonna plusieurs fois avant que je ne tombe sur le répondeur. Je raccrochai et recommençai. Il décrocha à la troisième sonnerie.
- Quoi ? l'entendis-je répondre méchamment.
Malgré le fait indéniable que j'avais besoin de lui parler, je n'arrivais pas à prononcer la moindre phrase. Aucun mot ne sortait de ma bouche et mes yeux, rivés sur mes genoux, se remplissaient à nouveaux de larmes.

- Putain mec ! Tu m'appelles à trois heures du matin tu pourrais au moins parler ! grogna-t-il. Bon aller, salut, conclut-il en raccrochant.
Je le rappelai.
- Tu vas me laisser dormir, oui ? cria-t-il.
- Thibault… sanglotai-je.
- Jessie ?
Sa voix s'était faite plus douce et il paraissait étonné.
- Jessie, tout va bien ? s'inquiéta-t-il.
- Non…
- Qu'est-ce qu'il se passe ? T'es chez Flo ?
Je relevai la tête et croisai le visage de mon frère, puis celui de mon amour, et je m'effondrai de nouveau.
- Jessie ! Répond moi, qu'est-ce qui t'arrives ?
- Je les ai tué… murmurai-je.
- Quoi ? Attend, de quoi tu parles ? T'es où Jessie ? Chez Flo ?
- Oui… Je les ai tué…
- J'arrive tout de suite, d'accord ? Tu ne bouges pas, c'est bien compris ? Je monte dans ma voiture là.
Un silence s'installa.
- T'es toujours là ?
- Je les ai tué… sanglotai-je.
- Qui ?
Je ne répondis pas et il renouvela sa question.
- Qui, Jessie ?
- Flo, Fabien, ils sont… partis.
Je n'arrivais pas à me résoudre à prononcer ce mot.
- Qu'est-ce que tu me racontes ?
Je ne pris pas la peine de lui répondre et raccrochai. Je n'aurais pas dû l'appeler, ça va le détruire de voir tout cela. De les voir. Je n'aurais pas dû… Il va m'en vouloir, tout est de ma faute. La sonnerie du téléphone résonna plusieurs fois mais je ne répondais pas. De toute façon, il va arriver.
Je vois déjà son regard empli de haine quand il verra que je n'ai rien fais pour les empêcher. Je vois déjà son regard terrifié à l'idée d'avoir perdu son meilleur ami par ma faute.
- Jessie, qu'est-ce… Oh mon dieu ! s'écria-t-il.
La porte se referma et j'entendis des pas précipités avant qu'il ne tombe à genoux. Je n'osais pas le regarder et gardai ma tête enfouie contre mes jambes ramenées près de ma poitrine.
- Flo ! Non, réveille toi !
Je pouvais entendre dans sa voix qu'il pleurait.
- Jessie ! Appelle les pompiers, dépêche-toi !
- C'est trop tard…
- N'importe quoi ! Il respire encore !
Je relevai la tête d'un coup et regardai Thibault secouer son meilleur ami.
- C'est inutile je te dis ! criai-je en pleurant de plus belle.
Il ne m'écouta pas et appela les pompiers en donnant l'adresse de l'appartement. Je me levai malgré mes jambes tremblantes et le pris par les épaules pour qu'il me regarde. Des larmes maculaient ses joues. Ça me déchirait de voir mon ami pleurer, mais je lui répétai :
- C'est trop tard, je te dis !
- Non ! J'ai sentis son pouls !
- Quoi ? m'exclamai-je, incrédule.
- J'ai sentis son pouls, il n'est pas mort !
C'est impossible, il n'avait plus de pouls tout à l'heure. Thibault a dû voir l'incompréhension et l'étonnement sur mon visage, puisqu'il a prit ma main pour la poser dans le cou de Flo. J'attendis quelques secondes et relevai la tête en équarquillant les yeux sous la surprise. Je venais de sentir un mouvement sous mes doigts. Je les laissai en place pour en sentir d'autres. Pour être sûre. Thibault prit mon visage entre ses mains.
- Il est en vie, Jessie, murmura-t-il. Il va s'en sortir.
M'avait-il entendu le supplier tout à l'heure ? A-t-il exaucé ma prière ? Malgré l'atrocité de cet instant, je n'ai pas pu empêcher le soupir de soulagement s'échapper de ma bouche. Il y avait donc encore un peu d'espoir.
Je reportai mon regard sur Flo et me penchai près de sa bouche. C'était très faible, mais je sentais un souffle léger caresser ma joue.
- Je ne l'ai pas tué… chuchotai-je faiblement.
- Non, Jessie. Il est toujours là.