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- Ça t'as toujours perturbée de ne pas savoir, pas vrai ?
- Oui.
- Alors je vais te le dire, seulement parce que c'est toi. Tu m'as fais gagner beaucoup, beaucoup d'argent. Mais tu vois j'ai fais un petit pari avec mon bras droit, qui est resté là-bas. Tu te souviens de lui ?
- Oui.
J'avais vraiment l'impression d'être le spectateur d'un film d'horreur. Ou de vivre un des cauchemars de Jess.
- Il disait que tu réussirais à refaire ta vie en sortant de chez nous. J'avais parié que non. Tu as mis trois longues années, mais tu as réussi. Malheureusement pour toi, je dirais, rit-il. Ou plutôt, pour eux. Parce que c'est eux qui ont foutu en l'air le jeu. Je voulais tout simplement que tu ne sois pas heureuse, Jessica. Et puis, comme j'ai perdu mon pari, j'ai perdu l'argent qui va avec. Donc je te récupère, pour regagner mon argent. Tu comprends ? demanda-il en souriant.
Une expression de dégoût s'affichait maintenant sur le visage de Jess, tout comme sur le mien. Comment a-t-il pu jouer ainsi avec sa vie ? Cet homme est le pire des individus qu'il puisse exister sur cette terre.
Si j'étais assez rapide, j'aurais pris le flingue du colosse qui se tenait devant moi pour tous les tuer sur le champ. J'ai hésité plusieurs longues secondes avant de me rétracter. Si Jess a raison et que les chargeurs des armes sont vides, je vais lui attirer encore plus de problèmes, ce qu'elle n'a définitivement pas besoin en ce moment. Je tenterai en dernier recours.
De son côté, Fabien restait aussi immobile que moi et regardait la scène horrible que se déroulait sous nos yeux.
- Tout ça n'était qu'un jeu pour toi ?
- En effet.
- Alors retournons là-bas. Ramène moi, et fais moi vivre le même enfer qu'il a trois ans. Je pourrais même accepter avec le sourire.
Elle voulu se lever mais il posa une main sur sa cuisse pour l'en empêcher. À chaque fois qu'il posait sa main de pourriture sur elle, j'avais envie de lui arracher la tête. Je tremblais de rage face à cette situation dans laquelle j'étais totalement inutile. Je ne pouvais que regarder, écouter leur discussion insensée, et tenter de réfléchir à comment nous sortir de là. Elle voulait y retourner pour nous protéger, son frère et moi. Elle ne comprenait pas que c'était à nous de nous occuper d'elle, et pas l'inverse. Elle se montrait forte, face à nous, mais je savais qu'au fond, elle mourrait de peur. Elle n'arrêtait pas de répéter qu'elle voulait partir, mais je ne pense pas qu'il soit venu seulement pour l'emmener. Il l'a d'ailleurs dit lui-même à maintes reprises.
- On va s'amuser un peu avant.
Il fit un signe de tête à l'homme devant la porte, qui composa immédiatement un numéro sur son téléphone. Quelques secondes plus tard, deux autres hommes entrèrent dans l'appartement. L'homme devant Fabien rangea son arme et lui asséna un coup dans le visage qui le propulsa au sol. J'ai essayé de frapper le gars devant moi pour aller aider Fabien mais j'ai pris un coup dans l'estomac.
Fabien se releva péniblement en essuyant le sang qui coulait de sa bouche. Il esquissa un mouvement pour le frapper. Son poing atterrit lourdement sur la mâchoire d'un des deux types mais il termina une nouvelle fois à terre. Il a ensuite reçu un coup de pied dans le ventre, et poussa un gémissement de douleur.
- Stop ! entendis-je crier.
De mon côté, je me pouvais plus bouger. Les deux hommes qui étaient entrés me tenaient chacun un bras et m'immobilisaient.
- Stop. Arrête ça, répéta Jess.
L'homme s'arrêta de frapper Fabien sous l'intervention de Jess. Elle s'était levée et son visage ne dévoilait toujours pas d'émotions, ce qui devait commencer à être vraiment difficile pour elle en ce moment.
- Emmène-moi. Tu n'as pas besoin de faire tout ça, je te suivrai, je te le promet.
- Jessie, laisse tomber, je ne les laisserai pas t'emmener une nouvelle fois… articula Fabien difficilement.
Elle se tourna vers le chef, et comprit en même temps que moi ce qu'il se produisait sous nos yeux.
- Tu ne vas pas les laisser, pas vrai ?
- Bonne déduction.
La rage. Voilà ce qui était désormais visible dans ses yeux. Une rage intense et une terreur sans fond. Elle regarda Fabien qui se relevait doucement et versa une larme. Une seule et unique larme, qu'elle laissa glisser doucement le long de sa joue. Elle me regarda ensuite, maintenant libéré des deux hommes qui m'entouraient. Elle avait peur mais elle semblait envisager les possibilités qui s'offraient à nous. J'hochai la tête pour lui signifier que j'allais bien, et que je serais capable de la suivre, quoiqu'elle fasse. Je ne savais pas si elle avait comprit, mais elle se retourna en levant son poing en direction du chef. Il l'intercepta mais elle continuait de se débattre.
Comme si ça avait été un signal, deux hommes me sautèrent dessus, et deux autres sur Fabien. J'essayais de me défendre mais ils étaient beaucoup trop forts, beaucoup trop organisés. Je me prenais des coups de partout, et il me semblait entendre Jess, mais sa voix me paraissait déjà lointaine. J'avais du mal à respirer, et à penser correctement. La seule pensée qui me traversa l'esprit fut Jess. Il fallait que je continue. Pour elle.
J'ai réussi à en frapper un au visage, mais j'étais trop faible pour lui avoir vraiment fait du mal. Je frappai l'autre sur le torse puis j'ai reçu un coup de coude dans la nuque et je m'étalai au sol. Des coups de pied dans les côtes bloquèrent ma respiration et je haletais fortement.
Tout d'un coup, ils se sont arrêtés et j'entendis quelqu'un crier. Je me tournai sur le côté pour voir où était Jess. Je la vis sur ses pieds, maintenue par trois hommes. Un flingue était de nouveau pointé sur moi, un autre sur Fabien qui ne bougeait plus. Ses yeux étaient fermés et son visage lamentablent ravagé était en sang et reposait au sol. D'ici, je n'arrivais pas à voir s'il respirait encore. Je reportai de nouveau mon attention sur Jess. Elle n'avait pas une égratignure, et les visages des hommes autour d'elle étaient eux aussi indemnes.
À ce moment là, j'ai su. C'était la fin, et Jess venait de s'en rendre compte.
Tristesse, terreur, rage, détresse, angoisse, désespoir… Toutes ses émotions cachées depuis que ces hommes étaient entrés ont fait surface, tout comme ses larmes qui inondaient son beau visage dépourvu de toute blessure.
- Laisse les ! Je t'en pris, laisse les ! Je ferai tout ce que tu voudras ! S'il te plait ! criait Jess en se débattant de toutes ses forces, en vain.
- C'est trop tard, Jessica, répondit-il calmement. À cause de toi, ils vont mourir. Comme des lâches. Je vais les écraser comme des insectes, parce que c'est tout ce qu'ils sont. Tout cela à cause de l'égoïste que tu es. C'est toi qui les as tué, Jessica. Toi, et personne d'autre. Tu es la seule responsable de ce carnage. Tu es la cause de leurs blessures.
- Ne… l'écoute pas… Jess… lui dis-je avec difficulté. Ce n'est… C'est pas de… ta faute…
- Si ça l'est. Continuez, ordonna le chef.
Je reçu de nouveau quelques coups, mais ça ne me faisait plus mal. Je ne ressentais plus rien, et je respirais à peine. J'avais du mal à garder les yeux ouverts et les faibles pulsations de mon cœur résonnaient lamentablement dans ma tête.
- NON ! cria Jess.
- Attendez une minute, se reprit-il. Lâchez-la.
Elle me regarda et regarda Fabien. Comme je respirais encore, elle s'approcha de son frère, immobile, en me jetant un regard désolé, ce que je comprenais parfaitement. Toutefois, le chef reprit la parole quand elle voulu aller vers Fabien.
- Ça ne sert à rien, il est déjà mort.
- Non il ne l'est pas ! cria-t-elle en pleurant.
- Si regarde.
L'homme qui se tenait près de Fabien s'est baissé, a prit sa tête qu'il tordit d'un coup. Un craquement sec résonna dans la pièce et Jess hurla. Si j'avais pu, j'aurais hurlé moi aussi. C'était un cauchemar. Un autre homme lui mit la main sur la bouche pour la faire taire mais elle se dégagea rapidement et abattit son poing dans le visage de l'homme qui venait de tuer son frère. Il ne l'avait pas vue venir et s'écroula sur le sol. Trois autres ont attrapé Jess pour la maintenir face au chef.
- Jessica, ma grande, est intervenu le chef.
Il se plaça face à elle, pendant qu'elle se débattait comme un forcenée.
- Va dire au revoir à ton amoureux avant qu'on parte. Je fais preuve d'une grande clémence parce que c'est toi, crois moi.
- Espèce d'ordure ! Je…
Il venait de la gifler violemment pour la faire taire. Je n'avais plus aucune force pour bouger et j'avais de plus en plus de mal à respirer. Seules des larmes coulaient de mes yeux. Je voyais trouble et mes membres de réagissaient plus. Un goût de sang inondait ma bouche et un liquide poisseux coulait partout sur mon visage. Je fermai les yeux et écoutai la voix froide et tendue de Jess.
- Je te tuerai, et j'en fais la promesse. Je t'anéantirai, toi et tout tes chiens. Peu importe le temps que j'y mettrai, peu importe les représailles qui m'attendront en retour, je te détruirai. Cette vengeance n'a pas de prix, et je m'en donnerai à cœur joie.
Quelques secondes de silence passèrent, pendant lesquels il ne prit pas la peine de lui répondre.
J'avais les yeux fermés et tentais du mieux que je pouvais de continuer de respirer, mais c'était de plus en plus compliqué. Je ne tiendrai plus très longtemps. Ces enfoirés avaient parfaitement su où frapper pour me faire souffrir, et me faire mourir le plus lentement possible. Mais ce qui m'acheva complètement, fut le regard terrorisé de Jess posé sur moi.
- Flo, mon amour. Je suis tellement, tellement désolée si tu savais, sanglota Jess.
Elle était à genoux près de moi, ses mains sur mon visage. Elle m'embrassa sur le front et continuait de pleurer. Des larmes tombaient sur mon visage, se mêlant aux miennes.
- Jess… Bébé…
- Chut, chut. Ça va aller d'accord ? Je vais te sortir de là, toi et Fabien et tout ira bien.
Elle disait cela tant pour me rassurer que pour se réconforter elle-même, mais tout les deux savions que c'était trop tard. Ça l'était pour Fabien, et dans très peu de temps, ce sera mon tour. Je sentais mes forces me quitter, et Jess le savait tout autant que moi.
Je secouai la tête pour lui faire comprendre ce à quoi je pensais.
- Tout est de ma faute, pleurait-elle. Je le savais Flo, je le savais. J'ai reçu toutes ses enveloppes, avec le symbole dessiné sur une feuille. Je savais que…
- S'il te plaît… Tais-toi… Prend moi… dans tes bras.
- Non ce n'est pas fini, sanglota-t-elle. Je…
- Si, Bébé…
Elle pleura de plus belle et me prit dans ses bras.
- Pardonne-moi, mon amour. Je t'aime tellement, je t'aime tellement mon amour.
- Je sais… Rien n'est de… ta faute. Embrasse-moi mon amour… Une dernière fois…
Elle posa ses lèvres sur les miennes. Ses lèvres si délicieuses, si apaisantes.
J'aurai passé seulement cinq mois à tes côtés, et pourtant, j'ai l'impression d'y avoir passé cinq ans. Chaque instant près de toi était un moment de pur bonheur. Je repense à notre rencontre : ton regard timide, ta petite voix toute faible et ton léger sourire sublime. Puis, je revois notre premier rendez-vous, et notre premier baiser, la peur que j'avais vu dans ton regard quand je t'ai demandé de sortir avec moi, ta main tremblante dans la mienne quand tu as dormi contre moi la première fois. Je me rappelle de la première fois que tu as éclaté de rire. C'était le son le plus mélodieux, magique et unique au monde. Je me souviens de tes larmes de détresse quand tu m'as raconté ton histoire, qui a précédé notre première fois. Ton corps chaud et parfait collé au mien était un moment magique. Je te revois avec tes éternels tee-shirt de Queen, Scorpion, Rolling Stones, et les deux robes que tu as porté. Tu étais magnifique. Que ce soit dans ces robes ou en pyjama, tu restes la plus belle femme à mes yeux. Tu n'es pas seulement belle, mon Amour, tu es aussi forte et courageuse. Tout allait si bien, et je ne t'ai pas écouté. J'aurais dû. J'aurais dû t'écouter et t'emmener loin d'ici pour te protéger, mais je ne l'ai pas fais. Rien n'est de ta faute, tout est de la mienne. Mais je t'aime à un point que tu ne peux t'imaginer mon Amour, et je te remercie pour tout ces moments inoubliables passés à tes côtés. Tu as fais de moi le plus heureux des hommes, mon Amour. Je t'aime.
Voilà ce que j'aurais voulu dire quand mon regard était accroché au sien, tout les deux noyés sous un océan de larmes. Mais tout ce que j'ai pu articuler fut un « Je t'aime. « , avant que le noir ne s'abatte définitivement sur moi. Ma dernière pensée aura été pour ses lèvres.
Non, non, non, non…. Ce n'est pas possible. Non ! Il faut qu'il ouvre les yeux, il le faut absolument !
- Flo ! Flo, ouvre les yeux ! Je t'en pris !