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Je l'ai suivie en riant. De la musique résonnait déjà dans la pièce. Elle était devant le canapé et se tenait droite, les bras le long du corps. Je levai mon bras droit pour la frapper dans le ventre, mais elle esquiva facilement.
- Trop prévisible, rit-elle.
- C'était fait exprès. Tu ne veux pas qu'on aille se défouler autrement ? lui proposai-je ironiquement.
- On s'amusera tout à l'heure, promis !
Elle voulu me frapper au visage mais j'interceptai son poing au vol. Par contre, je n'ai pas réussi à parer sa main gauche qui a atterrit dans mon ventre. J'ai pousser un petit grognement et elle s'est reculée.
- J'ai une main gauche je te rappelle, me dit-elle en remuant sa main devant mes yeux.
- Je sais, c'est bon.
- Tu as dû remarquer que mon premier mouvement était lent, non ? C'était fait exprès pour que tu puisses l'intercepter.
Elle me faisait ce coup là à chaque fois mais je me faisais presque toujours avoir.
- J'aurais pu te frapper en arrêtant ton geste aussi, répliquai-je en grimaçant.
- Pourquoi tu l'as pas fais alors ?
- Peut-être parce que je viens d'y penser, idiote !
Note à moi-même : insulter Jess était une très mauvaise idée quand on était en pleine séance de combat. Elle m'a attrapé par le bras et m'a foutu par terre en me plaquant au sol, son genou sur ma poitrine et sa main sur ma gorge. Elle ne me serrait pas et ne m'avait pas fait mal, mais le peu d'estime qu'il me restait de moi-même venait encore d'en prendre un coup. Heureusement qu'on faisait ça quand il y avait personne, sinon je serais déjà parti m'exiler au fin fond du Pôle Nord. De toutes façon, ma virilité s'était volatilisée à l'instant où j'avais accepté sa proposition. Quand je dis que je ferais n'importe quoi pour elle !
- C'était une mauvaise idée de t'insulter, pas vrai ? me sourit-il.
- Tout à fait !
Je me relevai et lui tendit la main pour l'aider à se mettre debout. Il passa ses mains sur son pantalon et son bras se leva et se dirigea dans ma direction. Je le laissai me frapper à la mâchoire, et répliquai de suite en lui donnant un coup dans le ventre. Il grogna un peu mais je n'avais pas frapper fort. Mon but n'est pas de l'assommer ou de le tuer, seulement de lui montrer quelques trucs.
On continua ainsi pendant plusieurs heures. Je lui donnais plusieurs conseils, et l'aidais à maitriser ses gestes, et prévoir les miens. Il fallait qu'il sache tout ce que moi je savais. Je voulais être sûre qu'en cas de besoin, il ait une chance d'avoir l'avantage. Cette obsession de sortira jamais de ma tête.
- Tes jambes.
- Quoi mes jambes ?
- Fais-y attention. La gauche n'est pas stable, je peux le voir d'ici. Si tu te prends un coup là, lui dis-je en pointant son torse, tu vas reculer et trébucher. Et si tu tombes…
- C'est fini c'est ça ? me coupa-t-il en souriant.
- Tout à fait !
On travaillait un peu sur le maintient de ses jambes, quand il s'arrêta pour aller boire un coup. On se posa quelques minutes sur le canapé, une bouteille d'eau à la main. Il interrompit le silence plaisant qui s'était installé pour me poser une question.
- Comment tu t'es échappée de là-bas ?
Sa question ne m'a même pas surprise et je me suis contentée d'y répondre, simplement.
- J'en ai aucune idée. Je me suis réveillée un matin devant chez moi.
- Et tu ne te souviens pas de l'endroit où tu étais enfermée ?
- Je me rappelle de chaque recoin, chaque pièce où j'étais entrée. Bien sûr, je n'avais pas eu droit à une visite guidée complète, mais les lieux que j'avais vu, je m'en souviens parfaitement. J'avais même dessiné une sorte de plan aux flics. C'était vraiment grand.
- Ils savent dans quel coin s'était ?
- Tout ce que je savais, c'est que c'était sous terre. Il n'y avait aucune fenêtres nulle part, et tout était calme.
- Sous terre ? répéta-t-il. C'est bizarre.
- Ouais. Les flics ont supposé que c'était sous une forêt, ou un truc du genre, à cause du came et de la taille de l'emplacement.
- C'est pas con… Et ils ont déjà fouillé les forêts aux alantours ?
- Ouais. Mais tu sais, si ça se trouve, j'étais même pas en France. Ça aurait très bien pu être en Afrique ou en Amérique. Je n'avais aucun autre élément alors ils ont vite abandonné les recherches.
- C'est sûr que dit comme ça… On reprend ?
- C'est partit.
Il se releva, un sourire satisfait aux lèvres. Je n'étais plus gênée de rien avec lui. Même quand il s'agissait de parler de l'enfer que j'avais vécu, je n'hésitais même plus. On pouvait parler librement de tout ça, à n'importe quel moment. Il n'y avait plus aucun tabou entre nous, sauf peut-être le sujet de nos pères respectifs qui restait encore un peu sensible.
- Oh merde ! Ça va ? s'exclama Flo.
Il venait de me donner un coup de poing assez violent dans le nez, ce qui me fit saigner. J'étais trop plongée dans mes pensées pour voir le coup venir.
- Oui oui, ça va, ne t'en fais pas.
- Je vais te chercher une serviette.
Il revint quelques secondes plus tard avec une serviette et me la donna. À peine posée sur mon nez, elle se colora en rouge.
- Merci.
- Désolé…
- C'est rien, c'est les risques du métier, ris-je. On y retourne ? dis-je en essuyant mon visage une dernière fois.
- Ça va pas non ? J'en ai marre moi ! s'amusa-t-il. Et puis j'ai faim.
Je regardai l'heure et vis qu'il était déjà dix-huit heure.
- Ok, si tu veux.
- Ah merci ! soupira-t-il en s'étalant sur le canapé.
- T'es crevé ? lui demandai-je en souriant, debout devant lui.
- Me fais pas croire que tu n'es pas fatiguée, Bébé.
- J'ai jamais dis ça, ris-je. Je vais prendre une douche.
- Attend je viens avec toi !
Il se précipita pour me suivre dans le couloir. Tout compte fait, il lui restait un peu d'énergie !
J'étais en train de mettre la table pendant que Flo terminait de faire à manger. Il était assez doué en cuisine, et ça m'arrangeait pas mal étant donné que je n'aimais pas trop cuisiner, même si je me débrouillais plutôt bien.
- Bon appétit, me dit-il en s'asseyant au bar en face de moi.
- Bon appétit.
Je dégustais ce qu'il avait préparé en silence. Pour un gars, il cuisinait vraiment bien. C'était tout le contraire de mon frère. D'ailleurs, quand ces deux là avaient fait à manger le lendemain de notre sortie en boite, j'avais parié que c'était Flo qui avait dirigé les opérations. Et je ne m'étais pas trompée, puisque Fabien avait avouer avoir fait ce que mon copain lui demandait.
- Ça va mieux ton nez au fait ? me demanda-t-il.
- Oui, c'était pas grand-chose. Et toi, ta mâchoire, ton œil, ton ventre…
- C'est bon j'ai compris, rit-il. T'es pas obligée de me rabaisser non plus !
J'explosai de rire et Flo faisait semblant de bouder. Il est trop mignon quand il fait cette tête là !
- Sinon, je me débrouille comment ?
- C'est pas mal ! lui répondis-je, un grand sourire aux lèvres.
- Pas mal ? C'est tout ? Je dirais plutôt que je suis parfait, et exceptionnellement incroyable.
- Et prétentieux, ça n'entre toujours pas dans ton vocabulaire ?
- Non pourquoi ? me sourit-il innocemment.
Je riais doucement, et on termina de manger dans un silence agréable. Une fois le repas fini, on débarrassa le tout, et on fit la vaisselle. On s'est ensuite installé devant la télé et il a allumé la Xbox.
- Tu ne commences pas sans moi ! lui criai-je en allant chercher mon téléphone qui sonnait.
Je me précipitai à la chambre pour répondre. Le nom de mon frère s'afficha à l'écran.
- Ta géniale petite sœur te manque déjà ?
- T'es vraiment prétentieuse Jessie, rit-il.
- Ça doit être Flo qui déteint sur moi alors !
- Probablement !
Je l'entendis rire à travers le téléphone.
- Je suis en voiture là, je peux passer ? Tu as oublié un de tes sac.
- Fallait pas te déranger pour ça, ça pouvait attendre.
- Non mais je retourne dormir chez maman ce soir, alors c'est pour ça. Je passe vers chez Flo en chemin.
- Ah d'accord. Et tu es là dans combien de temps ?
- Dix minutes. À toute suite Jessie.
Il raccrocha et j'enfilai un pantalon, puisque, comme à mon habitude, je ne portais qu'un tee-shirt. Je retournai au salon, où Flo m'attendait.
- Mon frère arrive dans dix minutes.
- Pourquoi ?