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- Non… gémit Jess, en se détournant de moi.
Elle refaisait un cauchemar. Je n'aimais pas quand elle faisait des mauvais rêves ; elle était triste, en colère, désespérée et une multitude d'autres émotions qui s'emmêlaient en elle dans ces moments-là. Elle perdait complètement pied et n'était plus elle-même. Quelques fois, c'était presque impossible de la toucher à son réveil, ou même de l'approcher.
- Jess, révei…
- Non !
Elle avait repousser ma main, qui avait frôlé sa joue, violemment et en criant. Elle m'avait dit un jour que si elle me repoussait ainsi, c'était parce que son rêve paraissait si réel, qu'elle entendait mes paroles et sentait mes gestes, mais que pour elle, ce n'étaient pas mes gestes, mais ceux de celui présent dans son son cauchemar.
- Non ! Je ne veux pas ! cria-t-elle.
Je l'ai prise par les épaules pour la réveiller. Elle se débattait et hurlait, comme si j'étais en train d'essayer de la tuer et ça me faisait peur.
- Ouvre les yeux Jess… soufflai-je tout contre son oreille.
Mes mains étaient posées sur ses joues trempées de larmes, et elle secouait la tête dans tout les sens pour se dégager.
- Réveille-toi mon amour. Bébé, ouvre les yeux… continuai-je.
- NON !
Elle se releva d'un seul coup en m'éjectant sur le côté au passage. Elle se tenait la tête en pleurant, ses genoux ramenés contre sa poitrine. Je m'approchai d'elle doucement, et posai délicatement ma main sur son bras nu. Elle sursauta et me regarda, effrayée.
- C'est moi, Jess. Tout va bien, lui murmurai-je.
Je reposai de nouveau ma main sur elle, et elle ne se dégagea pas. Je l'ai donc attirée contre moi, en passant mes bras autour de sa taille.
- Ils étaient là. A la maison. Toi. C'est pour ça. Je ne peux pas. Je sais. Pardon. C'est de ma faute. Je voulais pas. Je n'ai pas pu.
Elle me répétait des morceaux de phrases incohérentes que je ne comprenais pas, pendant que je lui murmurais à l'oreille des mots que j'espérais rassurants. Je la berçais doucement et elle se vidait de ses larmes contre moi.
Une fois ses sanglots complètement étouffés, j'ai pris son visage entre mes mains pour la regarder.
- Allonge toi. Il faut dormir encore un peu.
- Non, je ne veux pas, répondit-elle en s'écartant un peu de moi.
- Tu n'as pas assez dormi Jess. Ils ne reviendront pas, je te le promet.
Elle sembla hésiter un instant. D'habitude, c'était un non catégorique. Elle préférait cent fois se lever, boire et café et faire ses devoirs, mais là, elle devait vraiment être fatiguée pour envisager la possibilité de se rendormir.
- Tu restes avec moi ? demanda-t-elle d'une toute petite voix.
- Évidement. Viens par-là.
Je me suis couché et elle s'est blottie contre moi, ses bras se resserrant très fort autour de ma taille. Sa respiration se faisait rapide et saccadée, et son souffle chaud brûlait sur mon cou.
J'ai commencé à me détendre un peu quand j'ai sentis qu'elle s'était endormie. Seulement à cet instant, j'ai relevé les yeux de son visage, pour croiser le regard endormi de Fabien, qui était installé sur le canapé. Il devait être là depuis le début, mais j'étais beaucoup trop préoccupé pour m'en rendre compte.
- Elle dort ? chuchota-t-il.
- Je crois.
- Merci… souffla-t-il. Ça te dérange si je reste encore un peu ?
- Pas du tout.
Il hocha la tête et avait les yeux rivés sur sa sœur. Il avait beaucoup de mal à la laisser seule avec moi, même si ça allait de mieux en mieux.
- Elle s'est calmée rapidement, remarqua Fabien en parlant à voix basse.
- Ouais. D'habitude ce n'est pas comme ça…
- Je sais… Elle m'a dit qu'elle en faisait beaucoup moins qu'avant quand elle dormait avec toi.
- Ça lui arrive de temps en temps, et c'est déjà beaucoup trop, murmurai-je en caressant les cheveux de Jess.
Il lâcha un bâillement à s'en décrocher la mâchoire.
- Avant que tu n'arrives, c'était chaque semaine qu'elle en faisait.
- Tu vois que je prends soin de ta sœur, lui dis-je en souriant.
- C'est pour ça que je ne t'ai pas encore frappé malgré que tu n'aies pas écouté mes avertissements, contra-t-il.
Je rigolai doucement à sa remarque. Il m'avait promis de me défoncer le jour où je touchais sa sœur, et heureusement pour moi, il ne l'avait pas fait. Ou du moins, pas encore.
- Bon, je vais me coucher, décida-t-il en se levant.
- Bonne nuit beau-frère, plaisantai-je.
Je l'ai entendu rire doucement avant de s'engouffrer dans sa chambre, et je me suis endormi peu de temps après. Jess ne faisait jamais deux cauchemars en une nuit, et puis elle était tellement accrochée à moi, que le moindre de ses mouvements, m'aurait immédiatement sortit de mon sommeil.
J'avais sentis Jess se lever mais je m'étais rendormi en voyant qu'il faisait jour. Je me suis réveillé un peu plus tard, et je suis allé à la cuisine. Jess, Fabien et Camille discutaient joyeusement, oubliant totalement la nuit dernière. Et je fis de-même. Elle avait toujours balayé ses nuits de cauchemars, le lendemain matin, et je tentais à chaque fois de l'imiter, même si c'était vraiment difficile de faire abstraction à ses cris et ses pleurs de la veille.
On est resté manger chez Camille le midi et on est rentré à la maison en début d'après-midi. Elle a insisté tout le long du trajet pour refaire une « séance de combat « comme on appelait ça, entre nous.
Elle m'avait raconté un jour, pour me m'obliger à combattre, qu'elle avait déjà appris à son frère les techniques qu'elle me montrait. En clair : si Fabien décidait un jour que je n'étais pas digne de sa sœur, c'était moi qui finirais au tapis en quelques secondes. Mais ce n'était pas ça – enfin, pas que ça – qui m'avait motivé à accepter les cours de Jess. J'étais maintenant rassuré de ne pas être le seul homme à avoir cédé à ce caprice et, par conséquent, ça me réjouissait de constater que la fierté de Fabien avait pris le large de la même manière que la mienne !
- Aller, va te changer ! s'écria-t-elle une fois la porte refermée derrière nous.
- Je n'ai pas envie…
Je m'affalai sur le canapé et allumai la télé. Elle est arrivée quelques minutes plus tard, en forme, et seulement vêtue d'un pantalon de survêtement et d'une brassière de sport. Ses cheveux étaient relevés en queue de cheval et elle était d'une énergie débordante. Contrairement à moi. Et elle était vraiment très sexy, comme ça. D'habitude, elle portait un débardeur, mais pas cette fois. Elle s'en fichait désormais que je la vois, et j'aimais beaucoup. Pas seulement parce que je pouvais contempler son corps parfaitement magnifique, mais aussi parce que cela signifiait qu'elle avait franchi un nouveau palier au niveau de la confiance qu'elle me faisait.
- Arrête de me regarder et va te changer, m'ordonna-t-elle sèchement.
Elle poussa la table basse contre le bar pour faire de la place et se pencha vers moi pour me prendre la télécommande des mains. J'en ai profité pour l'attraper par la taille et l'attirer sur mes genoux, un large sourire vicieux sur mes lèvres.
- Pas envie.
- Au travail, mon amour, dit-elle en souriant, avant de m'embrasser rapidement.
Je promenais mes lèvres dans son cou, mais elle se dégagea en me tirant par la main pour m'emmener dans la chambre. Sur le moment, je me suis dis que j'avais gagné. Mais quand elle me jeta un pantalon de survêtement en me lançant un regard déterminé, j'ai su que c'était perdu. Elle attendait que je me change, les bras croisés sur la poitrine. Je me suis donc déshabillé en soupirant.
- Tu sais que tu m'énerves ?
- Je sais, me répondit-elle joyeusement. Mais tu m'aimes, non ?
- Plus maintenant. Et je te quitte au passage, dis-je en enfilant le pantalon.
- Viens me le redire dans le salon alors, rit-elle en sortant de la chambre.
Je l'ai suivie en riant. De la musique résonnait déjà dans la pièce. Elle était devant le canapé et se tenait droite, les bras le long du corps. Je levai mon bras droit pour la frapper dans le ventre, mais elle esquiva facilement.
- Trop prévisible, rit-elle.