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- Il est quelle heure ?
- Presque quatorze heure, répondit Camille.
- Je les prendrai demain alors, décrétai-je.
- Jessie… souffla-t-il en laissant tomber sa tête sur la table.
- Me prends pas la tête Fabien, soufflai-je. Je suis censée les prendre le matin, ça sert à rien que je les prenne maintenant.
Il souffla et se résigna au fait que j'avais raison. Je dois prendre ces médicaments le matin vers huit ou neuf heure. On est déjà au milieu d'après-midi alors c'est déjà trop tard.
Camille versa du café dans ma tasse et j'en avalai une gorgée brûlante. Cette boisson m'a toujours fait un bien fou ! C'est d'ailleurs une des seule boisson que j'ingurgite en si grande quantité. On prenait notre petit déjeuner en silence quand Flo arriva, portant seulement son jean de la veille, et s'installa sur la chaise à côté de la mienne. C'est dingue comme c'est calme les lendemains de soirée.
- Bon et bien, je vous laisse en mode zombie. Je vais prendre une douche. Tes clés sont où Flo ? Je voudrais aller chercher mes affaires.
- Sur la table dans le salon.
Je remis ma robe et je suis descendue pour aller prendre mon sac et celui de Flo. Je suis ensuite allée sous la douche en restant longtemps sous le jet d'eau chaude et me suis habillée rapidement. En ressortant, toutes les lumières étaient éteintes, Flo avait reprit sa place sur le matelas et Camille était couchée sur le canapé, sa tête sur les jambes de Fabien.
- Vous êtes des vraies larves ma parole ! ris-je
- Tais-toi et viens te recoucher. On t'attendait pour mettre le film en route, répliqua Flo, à moitié endormi.
- C'est quoi ?
- Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu, répondit Fabien. Choisis par Camille, je décline toute responsabilité, rit-il.
- Aller viens, répéta Flo.
Il était couché sur le côté face à la télé et je me suis couchée contre lui, mon dos collé à son torse. Il passa son bras autour de ma taille et Fabien lança le film. Il était assez drôle et je ne regrettais pas que Camille ait choisis celui-là.
J'ai soupçonné Flo de ne pas avoir vu grand-chose du film puisqu'il ne m'a pas embêtée une seule fois. Sa main est restée bien en place sur mon ventre et son souffle sur ma nuque était régulier. En plus, il n'a même pas rit une seule fois. En me levant à la fin, j'ai pu constaté que j'avais raison. J'ai jeté un œil sur le canapé et Camille essayait de se lever sans réveiller mon frère, ce qui était très drôle. On partit dans la cuisine pour ne pas les déranger et elle nous servit du café.
- Tu sais que Fabien ma soulé ce matin quand on rentré ?
- Pourquoi ?
- Parce que toi et Flo vous étiez tout les deux, sourit-elle.
- Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne m'étonne pas ! Ça fait cinq mois, j'ai l'habitude.
- Il t'aime beaucoup ton frère, tu sais ?
- Je sais. Mais il me protège trop, et ça devient lourd parfois…
- C'est parce qu'il a peur pour toi.
Je remuai mon café en silence. Cinq mois qu'il avait peur pour moi… Je pouvais comprendre qu'il se fasse du soucis au début parce qu'il ne connaissait pas mon copain, mais depuis qu'il a apprit que Flo et moi on couchait ensemble, il est devenu encore plus chiant. Pauvre Kelly ! Je la plaint déjà pour quand elle aura un copain !
- C'est vrai que c'était la première fois qu'il te voyait en robe ? me demanda-t-elle pour changer de sujet.
- Depuis trois ans, oui. C'est lui qui avait insisté pour que j'en mette une, ris-je.
- Je sais. Il voulait te voir avec autre chose que ton jean, et tu as très bien joué le jeu ! Et Flo aussi c'était la première fois aussi je paris ?
- Non. On est allé au mariage de son frère et j'avais fais un petit effort. En fait, c'est Pauline qui m'avait forcée cette fois-ci aussi.
- Et bien elle a eu raison ! Même si du coup Flo et Fabien n'ont pas arrêté de te surveiller étant donné que tu était vraiment très belle.
Elle me fit un grand sourire sincère et j'ai ris doucement.
- Je ne suis pas mannequin, contrairement à toi !
Camille était vraiment belle. Même le matin au réveil, alors c'est pour dire ! Sa peau était claire, elle avait quelques tâches de rousseur sur le haut de ses joues, des yeux vert magnifiques et une longue chevelure rousse sublime. C'était un beau roux qui flash, et qui attire immédiatement les regards. Elle ne se maquillait presque pas et préférait rester au naturel, ce qui la rendait encore plus jolie.
- Tu pourrais, tu sais, me dit-elle sérieusement.
- Mais bien sûr ! explosai-je de rire. J'ai vu quelques unes de tes photos et t'es vraiment magnifique. Et très photogénique, contrairement à moi. Je n'aime pas qu'on me regarde, alors je me vois très mal mannequin…
- Et si c'est ton frère le photographe ?
- Que ça soit n'importe qui, ça serait impossible !
- On devrait essayer un jour tu sais ! Je t'aiderai, me sourit-elle.
- C'est gentil, mais je vais m'en passer, lui dis-je gentiment.
- J'appellerai Pauline pour qu'elle m'aide à te convaincre. Et comme ça, on posera à trois !
- C'est hors de question !
On a rigolé pendant qu'elle continuait d'insister à ce propos en me donnant plusieurs arguments, tous plus bizarres les uns que les autres. Elle savait très bien qu'elle faisait tout ça pour rien, mais ça l'amusait.
Les garçons se sont réveillés environ une heure plus tard. Fabien est parti prendre une douche, et Flo est venu s'installer vers nous pour grignoter quelque chose.
- Bon, les gars. Vous faites à manger, sans vous prendre la tête. Ni faire sauter le bâtiment, déclara Camille, une fois mon frère sortit de la douche.
Elle se leva et me prit la main pour que je me lève. On la regarda tous, étonnés.
- Vous allez où ? demanda Fabien.
- Dans la chambre. On dois parler entre filles !
Elle me tira jusqu'à sa chambre et s'assit sur le lit après avoir fermer la porte.
- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je, un peu anxieuse sur le sujet qu'elle voulait aborder avec moi.
Elle semblait prendre sa respiration avant de m'annoncer :
- Tu sais, je suis vraiment bien avec Fabien.
Ouf ! On ne va pas parler de moi. Je me suis installée près d'elle.
- J'ai remarqué, lui répondis-je avec un petit sourire.
- Comment il était avec ses copines, avant moi ?
- Je ne l'ai jamais vu avec une fille en fait. Je sais qu'il est déjà sorti avec quelques filles, mais je ne les jamais vues. Il ne nous les a jamais présentées.
- Pourquoi ? demanda-t-elle étonnée. Il n'a pourtant pas attendu longtemps avant de me présenter.
- Tu dois être… différente des autres. Spéciale, pour lui.
- Tu penses ?
- J'en suis certaine, lui dis-je sincèrement.
Elle me sourit avec assurance mais j'ai vu qu'elle était tout de même un peu gênée d'avoir cette discussion avec moi puisqu'elle jouait nerveusement avec ses doigts.
- C'est la première fois que j'ai des sentiments pour quelqu'un… déclara-telle.
- Fabien est quelqu'un de bien. Et je ne dis pas ça seulement parce que c'est mon frère, ris-je. Il est heureux avec toi, et ça me rend heureuse pour lui. Il s'est trop longtemps privé du bonheur à cause de moi, alors je suis contente qu'il t'ai rencontrée, lui souris-je.
- Merci. Ça me fait vraiment plaisir que tu me dises ça.
Elle me sourit en baissant la tête, sûrement pour cacher sa gêne, et me prit la main.
- Comment ça, il s'est privé à cause de toi ? demanda-t-elle en redressant la tête soudainement.
- Hum… C'est rien, t'en fais pas.
- Tu peux me parler, tu sais.
- Je le sais, lui souris-je timidement. Je n'ai juste pas l'habitude de parler…
Un silence s'installa mais je le brisai rapidement.
- Mon frère ne ramenait jamais de filles, ni même d'amis, à la maison à cause de moi. Il n'est pas allé à plusieurs fêtes à cause de moi. Et aussi de mes cauchemars. Il voulait rester s'occuper de moi la nuit. Est-ce qu'il t'a déjà parlé de… de moi ?
- Je sais qu'il t'est arrivé quelque chose il y a quelques temps, et que c'est pour ça qu'il te sur-protège.
- Il a passé trois ans à me protéger, alors je suis vraiment heureuse qu'il soit avec toi. Je pense qu'il s'est enfin lâché parce que je suis avec Flo, et qu'il a vu que ça se passait bien avec lui. Tu es une fille bien, et en plus tu as des sentiments pour lui, dis-je en souriant.
Quelqu'un toqua à la porte, ce qui interrompit ce moment.
- Oui ? cria Camille.
- Vous avez fini vos… trucs de filles ? demanda Fabien. C'est prêt si vous voulez venir manger.
- D'accord, on arrive.
- Ok.
Il ferma la porte mais je l'interpelai et il la rouvrit.
- Oui ?
- Flo est toujours en vie ?
- Ah non. Je ne peux pas faire à manger et le garder en vie. Faut pas abuser !
On explosa de rire et il sortit en fermant la porte. Camille se leva du lit mais je l'ai retenue par la main.
- Si un jour j'ai envie de te parler de tout ce que j'ai vécu, tu seras là pour m'écouter ?
- Bien sûr. Tu pourras venir me trouver à chaque fois que tu auras besoin de parler. Même si c'est pour me dire que tu t'es cassé un ongle, me sourit-elle. Et si t'en as marre de ton amoureux, tu viens me voir et on sort en boite que toutes les deux. Ça marche ?
- Pas de soucis ! Tu peux aussi compter sur moi.
- Je le fais déjà.
Elle se pencha pour me prendre dans ses bras. C'est étrange, mais je me sens vraiment proche de Camille, alors que je ne la connais pas depuis très longtemps. C'est une fille très attachante et sur qui je pourrai m'appuyer en cas de besoin. J'en suis sûre. Et je ne mentais pas quand je lui ai dis qu'un jour je lui parlerai de moi. Qui sait ? Peut-être que ça me fera du bien d'en parler à quelqu'un d'autre. À une amie. Pas à ma famille, ni à mon copain. À quelqu'un d'extérieur à tout ça, qui ne sait rien de moi.
Je n'arrivais pas à dormir. Jess, elle s'était endormie à l'instant où elle avait posé sa tête sur l'oreiller. On était toujours chez Camille et j'avais du mal à m'endormir à cause du matelas gonflable. Ce n'était pas très confortable ces trucs là. Même si j'avais dormi dessus un bonne partie de la journée à cause de notre sortie de la veille. C'était d'ailleurs peut-être pour cette raison que je ne réussissais pas à fermer les yeux…
Je caressais distraitement du bout du doigt le bras de Jess qui reposait sur mon torse et je regardais le plafond, en pensant à elle. Je pensais toujours à elle de toute façon. Je me demande ce que je deviendrais si elle me quittait un jour. Si elle trouvait quelqu'un de mieux que moi, si elle s'ennuyait de moi ou si je lui faisais du mal. J'avais toujours peur de lui faire du mal, sans m'en rendre compte. Je serais anéantis si elle disparaissait.
La dernière fois que je l'ai fais souffrir, je m'en suis voulu pendant tellement longtemps. D'ailleurs, je m'en voulais encore aujourd'hui de l'avoir fait pleurer. C'était une des pires choses au monde de voir des larmes de tristesse sur le visage de celle qu'on aime. Je lui avais dis des choses horribles, et je les regrettais. Ce jour-là, tout était parti du fait qu'elle voulait m'apprendre à me battre. J'avais été tellement vexé, que j'avais été méchant avec elle. Mais depuis, elle m'avait déjà montrer quelques trucs qu'elle avait vu, là-bas, et pour être tout à fait honnête, c'était vraiment pas mal : quelques techniques pour frapper ou pour parer, mais ça me plaisant. J'ai reçu quelques coups de sa part et je lui en ai donné aussi. Tout cela, sans le faire exprès, bien entendu. Mais c'était amusant de faire ça avec elle, ça détendait tout de même beaucoup, même si c'était vraiment très épuisant.
Elle était sérieuse quand elle disait qu'elle voulait m'apprendre toutes ces choses. Elle voulait que je puisse me défendre « en cas de besoin « . Ça pourrait paraitre frustrant et futile pour la plupart des gars – ça l'était pour moi, au début – mais je me rendais compte que ça la rassurait plus que tout. Et puis, je pensais savoir me battre, alors qu'en fait, c'était seulement des gestes désordonnés, et sans but. Pour elle, le moindre de ses mouvements était planifié. Elle analysait mon comportement pour mieux savoir comment frapper. C'était… déroutant et très perturbant de se faire mettre à terre par sa propre copine. Mais heureusement, ça se passait en petit comité ; c'est-à-dire, elle et moi.
- Non… gémit Jess, en se détournant de moi.