Chapter 61
1954mots
2022-10-21 04:28
61
- Pour quoi faire ?
Il me sourit et sortit de la chambre. J'ai pris un tee-shirt dans l'armoire de Flo et l'ai rejoint dans la cuisine. Il était devant le frigo, complètement nu, et semblait réfléchir à se qu'il pourrait avaler. Plus classe, ce n'était pas possible. Mais ça me permettait d'admirer son corps parfait.

- Tu as bientôt finis de me mater ? demanda-t-il en se retournant, avec une bouteille de coca à la main.
- Non. Tu peux me servir un verre s'il te plaît ?
- On regarde un film ? demanda-t-il en me tendant un verre.
- Si tu veux.
- Va choisir je prépare de quoi manger.
- Tu as encore faim ?

- Toujours !
J'ai mis un film d'action et Flo est revenu avec un saladier complet de chips, un bol de bonbons et deux paquets de gâteaux. Tout ça, principalement pour lui bien sûr. Il posa le tout sur la table basse et partit chercher une couverture dans la chambre.
- Tu ne comptes toujours pas t'habiller ?
- Ah non, répondit-il comme si c'était évident. Tu peux lancer le film s'il te plaît ?

- À tes ordres, mon amour, dis-je en souriant.
Il m'embrassa sur la tempe et passa son bras autour de mes épaules. Je posai ma tête contre lui et piochai dans le bol de bonbons.
J'ai dû m'endormir puisque c'est l'alarme de mon téléphone qui m'a fait sursauter, à six heure et demi. Flo grogna et se coucha sur toute la longueur du canapé. Je le recouvris avec la couverture.
Je me préparai, et partis pour une longue journée interminable au lycée. En ouvrant la porte, une enveloppe tomba par terre. Elle devait être coincée dans l'embrasure de la porte. Je la ramassai et la mis dans mon sac. Je la donnerai à Flo à midi.
Je suis arrivée pile à la sonnerie pour le début du cours de philosophie. Je suis allée voir le prof immédiatement pour lui donner ma rédaction qui était pour jeudi, mais étant donné mon absence, je n'avais pas pu lui donner avant. Il me remercia et me demanda si ça allait. Je lui répondis que tout allait pour le mieux et partis à ma place, à côté de Mathilde.
- C'est vraiment pas joli à voir, me dit Mathilde.
- Pardon ?
- Ton visage.
- Ah. Oui je sais, ris-je nerveusement. Mais ça va mieux.
- J'espère. Tu ne veux toujours pas me dire qui c'était ?
Elle me l'avait demandé le lendemain de la bagarre, quand je l'avais appelée pour lui donner des nouvelles. Elle avait vu tout ce qu'il s'était passé et avait reconnu le même gars que moi. Celui qui nous avait abordé dans la rue avec ses deux potes. Elle se faisait du soucis pour moi.
- Je te raconte tout après le cours.
- Les filles au fond ! Vous avez l'air d'avoir envie de parler. Debout, au tableau.
Je venais de revenir et il m'envoyait déjà au tableau. Génial…
- Merci, me souffla Mathilde en se levant.
Elle faisait bien évidemment référence à ma réponse et non au fait que ce soit de ma faute qu'on soit interrogée. Enfin, je crois…
- Bon alors, reprit le prof. Nous allons commencer un nouveau sujet aujourd'hui. Le thème de ces prochaines séances est l'espoir. Mathilde, que peux-tu me dire à propos de ça ?
Mathilde était nulle en philosophie. Elle ne savait pas analyser les mots et les différents sens que pouvait avoir une phrase. Moi, j'aimais bien cette matière. Pouvoir s'exprimer librement sur un sujet dont on pouvait dire tout ce qu'on voulait – à condition d'expliciter nos pensées – me plaisait beaucoup. En plus, je lisais beaucoup de livres sur des auteurs connus, ce qui m'aident parfois dans mes rédactions.
L'espoir était quelque chose qui m'avait été très utile ces trois dernières années, et pendant mes deux mois en enfer, j'avais beaucoup espéré. Beaucoup trop pour y trouver un sens.
- Je n'en ai aucune idée.
- Merci pour ton aide précieuse Mathilde. Ça va beaucoup nous faire avancer.
- Je ne sais pas quoi dire alors je vais pas l'inventer…
- Je me doute bien. Jessica ?
- Oui monsieur ?
- Tu racontes toujours des choses très intéressantes à l'écrit, je suis sûr que tu as ton opinion là-dessus.
Je crois qu'il m'aimait bien ce prof. J'avais toujours eu des bonnes notes à son cours. Tout les regards se sont tournés vers moi et tous attendaient que j'ouvre la bouche. Ça faisait très longtemps que je ne m'étais pas exprimée à voix haute devant les personnes de ma classe. Mathilde me jeta un regard nerveux et inquiet mais je pris la parole.
- Je… J'ai lu quelque chose sur l'espoir il n'y a pas très longtemps. Beaucoup de monde pense que l'espoir est quelque chose de fantastique auquel on peut s'accrocher. Quelque chose d'essentiel pour l'homme. Mais je suis plutôt d'accord avec une certaine phrase que Nietzsche, un philosophe allemand, a dit un jour. Selon lui, l'espoir ne fait que prolonger la souffrance de l'homme. Quand l'homme espère quelque chose, il envisage le meilleur, la perfection pour lui. Son espoir est fondé sur l'idéal qu'il se créé par lui-même, et sans s'en rendre compte, il souffre. Il souffre puisqu'il s'imagine avoir tout ce qu'il espère alors qu'il sait très bien qu'il ne l'obtiendra jamais. L'espoir nous fait rêver de l'inaccessible. L'espoir nous torture l'esprit, nous paralyse, et ne fait que nous faire souffrir.
Un silence complet et oppressant me répondit. J'avais vraiment dit tout ça ? Oh mon dieu. Déjà que les élèves de ma classe ne me parlaient pas et me trouvaient bizarre, là j'allais passer pour une folle. Je jetai un coup d'œil à mon prof qui m'observait lui aussi.
- Tu as une vision vraiment pessimiste de l'espoir.
- Mon image de l'espoir s'est basée sur Nietzsche. Alors elle ne peut qu'être pessimiste.
- C'est évident. Et vu tes arguments à ce propos, ça se tient totalement. En tout cas, j'ai hâte de lire ta prochaine rédaction, dit-il, un large sourire aux lèvres. D'ailleurs, le sujet du prochain devoir sera : '' Peut-on dire que l'espoir réside dans l'avenir ? ''. Pour la semaine prochaine. Les filles, vous pouvez retourner à vos places. Tu peux remercier ton amie, dit-il en s'adressant à Mathilde.
On retourna à nos places sous les regards des autres. Mon amie me remercia à nouveau et on ne prononça plus un seul mot jusqu'à la fin du cours. Je ne voulais pas reprendre la parole et elle non plus. Même si elle n'avait rien à dire.
J'écoutais distraitement ce que le prof disait quand je me suis souvenue de l'enveloppe que j'avais ramassé devant chez Flo. Je fouillai mon sac et la ressortis. Je ne comptais pas l'ouvrir, j'étais juste curieuse de savoir de qui elle venait. Il n'y avait aucune adresse. Seulement mon prénom écrit au centre de l'enveloppe. L'enveloppe était blanche et les lettres de mon nom semblaient avoir été tracées avec application. Elle n'était pas scellée, alors je l'ouvris. Elle ne contenait qu'une seule petite feuille, pas pliée et elle tenait parfaitement dans l'enveloppe. Je tirai le papier et ce que je vis m'a figé. Toutes mes pensées se sont évaporées dans la seconde. Je ne réfléchissais plus. Je ne voyais plus rien. Je n'entendais plus rien.
Les six gars qui ont agressé Jess se sont fait arrêter cette semaine. Si seulement j'avais pu aller les voir un par un pour me défouler sur eux… Mais malheureusement, c'était impossible.
Mes côtes me faisaient encore un peu mal mais ça allait beaucoup mieux qu'avant. Mes blessures commençaient à guérir, et celles de Jess aussi. Quand on était dans la rue tout les deux, on ressemblait à des membres d'un gang. Ou à un couple de bras cassés. Au choix. En plus, les bleus avaient viré au jaune. La couleur était très moche, mais ça s'atténuait de plus en plus, c'était le principal.
Avec Jess, on était assit au café, au Renouveau. J'adorais cet endroit. Je l'aimais déjà avant ma rencontre avec Jess, et j'aimais encore plus être là maintenant. Surtout en sa compagnie.
- On y va ? me demanda Jess.
- Ouais.
Je partis payer et on sortit. On était vendredi après-midi, et comme elle ne reprenait les cours qu'à seize heure, nous étions allés boire un café. Je l'ai laissée devant le lycée et je suis rentré chez moi. J'aurais bien aimé qu'elle sèche les cours pour rester avec moi mais je ne lui ai jamais demandé. D'ailleurs, elle ne l'aurait pas fait. Et puis sa mère m'en aurait voulu. Je ne voulais pas avoir une mauvaise influence sur elle.
J'étais donc seul chez moi et je m'ennuyais, une fois de plus. Toute la semaine, je n'avais rien fais. Je regardais des films, des séries et c'était tout. Je me faisais tellement chier que j'avais même lu deux livres de Jess. Finalement, Stephen King n'était pas un si mauvais auteur. Jess m'a charrié plusieurs fois sur le fait qu'elle était étonnée que je sache lire. Avant, je ne lisais pas par manque de temps – et d'envie – mais durant toute cette semaine d'arrêt de travail, j'avais eu largement plus de temps que nécessaire.
Vivement lundi que je reprenne le travail ! La semaine a été bien trop longue.
À dix-huit heure, j'attendais Jess devant le lycée, comme je l'avais fais toute la semaine. Comme il faisait beau, j'étais venu à pied. Elle sortit avec Mathilde et son copain. Son amie était déjà passée une fois à la maison et elle était sympa. Elle était l'exacte opposée de Jess : blonde, les yeux bruns, petite, toujours vêtue d'une jupe et toujours bien maquillée. Elle était très jolie, mais Jess était cent fois mieux, même si bien sûr mon point de vue n'était pas très objectif. Ils sont venus dans ma direction. Mathilde m'a fait la bise et Mathias, son copain m'a serré la main.
- J'ai oublié le cahier de Mathilde chez toi. Ils peuvent venir vite fait ? me demanda Jess.
- Oui oui pas de soucis.
Je l'embrassai sur la joue et lui pris la main avant de partir en direction de mon appartement. On marchait tranquillement et je les écoutais discuter du cours qu'ils avaient eu. Ça parlait littérature et ça ne m'intéressait pas particulièrement mais j'aimais le son enjoué de sa voix quand elle parlait de ce qu'elle aimait, et ça me faisait doucement sourire.
Elle m'avait dit un jour qu'elle voulait être critique littéraire. Elle m'avait expliqué le principe mais en gros, ça consistait à lire un bouquin et à dire s'il était bien ou non. Enfin, je crois. Ce métier lui irait parfaitement bien. Je la voyais très bien assise à un bureau, ses lunettes sur le nez, un bouquin à la main. C'était ce qu'elle fait souvent à la maison, alors ce n'était pas difficile de l'imaginer.
Je déverrouillai la porte et les fis entrer. Ils s'installèrent au bar et je leur servis un café. Je leur ai proposé de rester manger avec nous et ils ont accepté. Jess leur demanda la pizza qu'ils voulaient sans même me consulter. Elle me connaissait depuis le temps !
Ils sont partis vers vingt heure puisque avec Jess, on avait une soirée de prévue chez Peter, un autre de mes potes.
J'étais calé contre l'encadrement de la porte et je la regardais se mettre du mascara. Elle ne mettait jamais beaucoup de maquillage, et c'était parfait. Je ne voulais pas qu'elle deviennent superficielle ou un truc du genre. Ses longs cheveux lisses encadraient son visage parfait.
- Quoi ?