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Après manger, vers quatorze heure, on est descendu à la voiture pour partir à l'escalade. Sur le chemin, Jess boudait toujours à cause de mon soutien envers sa sœur.
- Arrête de faire la tête, on va bien s'amuser, lui dis-je en posant ma main sur sa cuisse.
- Ouais, répondit-elle froidement.
- Ça va être trop bien ! Je n'ai jamais fais d'escalade en plus ! s'écria Kelly avec enthousiasme depuis le siège arrière.
- Au moins une qui est contente, bougonnai-je, ce qui m'a valut un petit sourire de la part de Jess.
Après vingt minutes en voiture, nous sommes arrivés à la salle. J'ai payé pour nous trois et nous sommes allés prendre des chaussures à notre taille. C'était une petite salle alors on n'avait pas besoin d'être attaché. Les murs n'étaient pas très hauts et des matelas épais tapissaient le sol.
Kelly courrait déjà vers le mur alors que Jess enfilait ses chaussures.
- Tu as le vertige ? lui demandai-je, inquiet qu'elle soit aussi réticente. Ce n'est pas bien haut tu sais.
- Non je n'ai pas le vertige.
- Alors pourquoi j'ai l'impression que tu ne veux pas être là ?
- Bon vous venez ! nous cria Kelly.
- C'est juste que je ne voulais pas te mettre la honte en te montrant mes capacités incroyables à l'escalade ! me sourit-elle avant de rejoindre sa sœur.
Je la suivis en riant.
On était samedi et pourtant, la salle était presque vide. Tant mieux, on aura plus de place pour nous.
On a commencé par aider Kelly à s'habituer à grimper au mur, et après cinq chutes et plusieurs explosions de rire de notre part, elle s'en sortait plutôt pas mal. Au début, Jess restait en bas, à nous regarder, mais après mes nombreuses tentatives à la faire monter, elle a enfin accepté. Et j'ai pu constater avec surprise qu'elle ne m'avait pas menti quand elle avait parlé de ses incroyables capacités. Elle s'en sortait mieux que moi, même sur le mur le plus difficile. Elle me bluffait réellement, et elle le savait. Elle avait une telle force dans les bras que je ne l'aurais jamais soupçonné. Son agilité et sa rapidité m'impressionnaient vraiment. Il faudra que je lui pose quelques questions…
Après deux heures d'efforts intensifs, on s'est reposé un peu tout les trois, sur un banc dans la salle. J'ai acheté des bouteilles d'eau, qu'on a vidé presque instantanément, et j'ai sortis quelques gâteaux qu'on avait prit avant de partir. Jess n'avait pas l'air trop épuisée alors que Kelly n'avait plus aucune force depuis longtemps et que moi je transpirais comme un marathonien.
- Déjà fatigué ? nous demanda Jess, un sourire aux lèvres.
Elle se leva, ôta sa veste et repartit vers le mur. Elle portait un débardeur et j'ai pu apercevoir ce qui ressemblait à un tatouage, dépasser de son tee-shirt. Si elle ne m'en a jamais parlé, c'est que ça devait faire partit des choses qu'elle ne voulait pas me dire et que je ne devais pas savoir pour le moment…
Je la suivis et l'admirais grimper avec une telle facilité que s'en était troublant. Je pouvais voir ses muscles se contracter à chaque fois qu'elle agrippait une poignée.
- Elle est forte ma sœur, hein ?
Kelly m'avait rejoint et se tenait à côté de moi.
- Ouais. Elle en fait souvent ?
- Non, jamais. C'est la première fois en fait.
- Ce n'est pas possible. Regarde, c'est trop simple pour elle, répondis-je en la voyant se suspendre avec l'agilité d'un singe.
- Elle a juste tout plein de muscles, me dit-elle en courant de nouveau au mur.
Je croyais qu'elle n'en pouvait plus ! Elle était hyperactive cette petite. Et elle avait raison : Jess avait vraiment beaucoup de force pour une fille.
Au bout d'une heure de plus d'escalade, on est rentré. Kelly s'est endormie sur le chemin du retour et Jess et moi parlions tranquillement. En arrivant chez elle, on est tous allé à la douche chacun notre tour. J'y suis allé en premier étant donné que les filles s'étaient mises d'accord sur le fait que j'en avais plus besoin qu'elles. Je soupçonnais une alliance secrète…
Corine, la mère de Jess, est revenue vers dix-neuf heure avec des pizzas, ce qui a provoqué un grand sourire pour ma part, et un regard noir de Jess.
Je suis resté chez elle jusqu'au lundi matin, où je l'ai accompagnée en cours avant de partir travailler.
Ce week-end était différent de d'habitude, mais restait tout de même parfait. Comme chaque week-end que je passais avec elle.
Le week-end suivant, elle était de retour chez moi. Et je devais avouer que je me sentais moins sur la défensive dans mon appartement.
C'était le premier week-end de ses vacances scolaires, donc elle allait rester chez moi toute la semaine, ce qui m'arrangeait, bien sûr !
Quand je suis rentré vendredi soir, Jess n'était pas comme d'habitude. Elle avait l'air préoccupée par je ne sais quoi, le regard perdu dans le vide et elle semblait réfléchir. Quand je lui posais des questions, elle me disait que ce n'était rien, qu'elle devait réfléchir. Je l'ai laissée seule dans la chambre, comme elle me l'avait demandé, et je suis allé regarder la télé, en réfléchissant à mon tour. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Elle était bien pourtant toute la semaine. Elle avait seulement l'air un peu fatiguée ce midi, c'est tout. Elle avait probablement dû refaire un cauchemar cette nuit.
- Je dois te parler, me dit-elle en s'asseyant à côté de moi, me sortant de mes pensées.
Je me tournai vers elle, pour voir son visage sérieux. Son regard était sombre et je craignais le pire.
- Me parler de quoi ?
À ce moment-là, plusieurs scénarios défilaient devant mes yeux. Ma première idée – qui était aussi la pire – était qu'elle voulait m'annoncer qu'elle me quittait. Mais il ne s'était rien passé ces derniers jours qui pourrait me faire penser qu'elle voudrait qu'on se sépare.
Il y avait un second aveux possible que j'éliminais d'office – celui où elle m'aurait trompée.
Il ne restait alors qu'une solution. Et c'était celle-là.
- De moi. Je veux que tu saches tout de moi.
Les larmes ont coulé toutes seules sur mes joues. Son histoire m'a fait mal et jamais je ne m'étais attendu à de telles révélations de sa part. Jamais je n'aurais imaginé que son passé serait aussi lourd. Je m'étais évidement douté qu'il lui était arrivé quelque chose de grave et d'important, mais j'étais loin, très loin de la vérité.
J'avais l'impression d'avoir vécu ce qu'elle venait de me raconter, même si rien ne pouvait être comparable avec ce qu'elle avait subit en réalité. Il y avait tant d'émotion dans sa voix, tant de souvenirs refoulés trop longtemps que ça m'a touché jusqu'au plus profond de mon cœur. Elle se sentait réellement coupable de tout cela, alors que c'était elle la victime. Rien de tout cela n'était à cause d'elle, et pourtant, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser que tout était de sa faute.
Je la comprenais beaucoup mieux maintenant. Je comprenais pourquoi elle voulait s'éloigner de tout le monde et ne plus avoir de contacts avec les autres. Elle avait peur qu'ils les rejettent. Beaucoup auraient eu peur après avoir écouté une telle histoire. Beaucoup se seraient demandés s'il ne valait pas mieux de la laisser seule. Je l'ai vue énervée contre Mylène, et je pense que ce n'était rien comparé à ce dont elle était apparemment capable de faire. Beaucoup seraient effrayés d'être en sa présence. Mais pas moi. C'était plutôt tout le contraire.
Sa question m'a choqué. '' Est-ce que tu pourras continuer de sortir avec une fille qui a tué sept personnes de ses propres mains, seulement pour sauver sa misérable et insignifiante petite vie ? '' . Comment peut-elle parler ainsi de sa vie ?
Après plusieurs minutes de silence à nous regarder dans le bleu de nos yeux remplis de larmes, je lui répondis :
- Comment peux-tu t'imaginer une seule seconde que je te laisserais tomber, que je t'abandonnerais ? La promesse que je t'ai faite, de toujours rester auprès de toi, je la tiendrai quoiqu'il arrive, jusqu'à la fin de mes jours. Peu importe ton passé, j'arriverai à te le faire oublier et à te faire rire et sourire de nouveau. Je veux faire de ton présent un instant magique et inoubliable. Quant à ton avenir, j'aimerais qu'il soit identique au mien. Je suis tombé amoureux de toi Jessica. Je ne veux que toi. Alors je t'en pris, laisse-moi t'aimer.
Je n'avais pas bougé, et elle non plus. D'un seul coup, elle s'est levée et s'est mis à faire des allers et retours devant le bar, en marchant rapidement. Je suis venu vers elle et lui ai pris la main, mais elle l'a vite rejetée et m'a hurlé dessus en pleurant.
- Comment tu peux ? Pourquoi ? Après tout ce que je viens de dire, pourquoi tu ne t'enfuis pas ? Pourquoi tu ne me craches pas au visage en me traitant de monstre ? Je suis un monstre ! Je les ai tué ! C'est à cause de mes mains que sept cœurs se sont arrêtés de battre ! Je ne mérite que de la haine ! Pas de la pitié, seulement de la haine ! Je ne veux pas de ton amour ! Tu ne comprends pas ? Non, bien sûr tu ne comprends rien ! Rien du tout !
Ça me faisait tellement mal de la voir souffrir ainsi. Je ne savais plus quoi faire. Je ne savais plus quoi répondre. Je détestais me sentir impuissant face à une telle situation. J'ai alors fait la seule chose dont j'étais capable, je l'ai prise dans mes bras. Elle m'a repoussé brusquement, mais je l'ai serré de nouveau dans mes bras. Elle me hurlait de la lâcher et me frappait le torse, mais je la laissais faire. Elle pouvait faire n'importe quoi, je ne cèderait pas.
Elle s'était imaginé que j'allais l'insulter, et lui dire de sortir de ma vie, mais cette idée n'était pas du tout envisageable. Je l'aimais, elle me faisait confiance et elle avait besoin de moi. Jamais je ne pourrais la quitter.
Après plusieurs secondes, sa crise est finalement passée et elle s'est abandonnée contre moi, pleurant encore et encore.
- Comment tu peux aimer un monstre… chuchota-t-elle une fois ses sanglots atténués.
Je ne lui ai pas répondu. Je ne savais tout simplement pas quoi lui dire. N'importe quel mot que j'aurais prononcé l'aurais probablement refait pleurer. Alors je me suis contenté de lui caresser les cheveux et de la maintenir contre moi en serrant son dos.
Après des secondes, des minutes, ou même des heures, je ne savais plus, elle s'est écartée de moi, m'a prit la main, et m'a emmené près du canapé. Elle m'a fait signe de m'asseoir, ce que j'ai fais.
- Ferme les yeux.
Je lui ai obéis sans un mot, et j'ai attendu. Je ne savais pas pourquoi elle me demandait ça, mais je le faisais, c'est tout. Au bout d'une poignée de secondes, sa main tremblante s'est emparée de la mienne pour la déposer sur son ventre. Le contact de ma main sur sa peau nue a provoqué les mêmes petits frissons que d'habitude. Je les sentais sous mes doigts.
Sans attendre son ordre suivant, j'ai ouvert les yeux pour me retrouver à hauteur de son ventre nu. De larges cicatrices blanches barraient des abdominaux bien formés sur sa peau clair. Instinctivement, mon index a suivi chacune d'elles, les parcourant tout du long, provoquant davantage de frissons sur sa peau à chaque fois. J'ai levé la tête pour rencontrer ses yeux, mais je n'y ai rien décelé à l'intérieur, comme d'habitude. Et elle ne pleurait plus et avait éteint toute lueur de son regard qui m'aurait permis de comprendre ce qu'elle ressentait.
Je me suis levé en silence pour la contourner et elle m'a laissé faire. Son tee-shirt trainait au sol et elle ne portait qu'un soutien-gorge noir mais je ne m'y suis pas attardé. Je voulais voir son dos.
Comme elle me l'avait décrit, un symbole était tatoué dans son dos. Mon doigt a suivi chaque ligne, puis je l'ai fais descendre le long de sa colonne vertébrale, en passant par-dessus sept petits ronds blancs de la taille d'une petite bille, espacés à intervalles réguliers. Elle n'a pas bougé, hormis quelques petits frissons. Ses bras sont restés le long de son corps, elle restait droite et n'esquissa pas un seul mouvement. Comme si elle était de nouveau plongée dans son passé, vulnérable face à moi.
Comment pouvait-on faire subir ce genre de torture à quelqu'un ? Comment quelqu'un pouvait-il s'en sortir après toutes ses marques sur son corps ? Elle avait dû souffrir à un point que je ne pouvais même pas imaginer et j'avais mal.
J'ai entouré sa taille de mes bras, en déposant mes mains sur son ventre, ma tête posée contre la sienne, reposant sur son épaule. J'ai fermé les yeux très fort en sentant sa respiration s'accélérer. Je sentais sa peur. Elle craignait que je ne l'abandonne, mais après tout cela, j'avais encore plus envie de la protéger. Je voulais prendre soin d'elle.
- Je t'aime. Crois moi, lui soufflais-je tout contre son oreille.
J'embrassai son épaule nue avant de la contourner de nouveau pour être face à elle. J'ai pris son visage entre mes mains pour qu'elle me regarde et je lui ai répété :
- Je t'aime Jessica. Je te le redirai jusqu'à ce que tu me crois. Des millions de fois s'il le faut. Je t'aime.
Après plusieurs secondes, elle me répondit d'une voix tellement basse que j'ai dû tendre l'oreille pour l'entendre.
- Tu viens de me voir Flo. Je suis affreuse. C'est ignoble. Je ne peux même pas me regarder dans un miroir sans être dégoutée. Pourquoi ?
Comment ne pouvait-elle pas voir qu'elle était sublime ? Ce n'étaient que des cicatrices, elle apprendra à les oublier avec le temps. Je ferai tout pour qu'elle les oublie en tout cas. Je lui montrerai à quel point elle est magnifique.
J'ai descendu mes mains le long de ses bras pour prendre ses mains. Je me suis reculé pour m'asseoir sur le canapé, toujours en tenant ses mains et en gardant mon regard rivé au sien. Je l'ai prise par la taille pour qu'elle se rapproche de moi, et j'ai embrassé chacune des cicatrices de son ventre. Une par une. M'attardant quelques secondes sur chacune d'entre elles. En lui répétant que je l'aimais entre chaque baiser. Elle m'a laissé faire, mais elle était tendue. Ses poings se sont serrés et je me suis rendu compte que ça devait lui demander beaucoup d'efforts de ne pas me repousser.
Quand j'eu fini, j'ai relevé la tête pour voir sa réaction et de nouveau, des larmes maculaient ses joues. J'ai tendu le bras pour en essuyer quelques unes mais elle ne m'a pas laissé faire et s'est installée à califourchon sur moi, ses bras autour de mon cou. J'ai passé mes bras autour de sa taille et l'ai serrée très fort contre moi. Quelques larmes se sont encore une fois échappées de mes yeux et j'ai enfoui ma tête contre le cou de Jess. L'odeur de son parfum n'enivrait et le contact de sa peau me troublait. Je l'ai embrassée dans le cou et je l'ai sentie tressaillir, avant qu'elle ne se recule légèrement. Elle a prit mon visage dans ses mains pour m'embrasser tendrement. Son baiser était timide, mais intense.
- Merci, chuchota-t-elle contre mes lèvres.
- Je t'aime Jessica. Bien plus que tu ne peux te l'imaginer, lui répondis-je avant de l'embrasser de nouveau, de la même manière qu'elle venait de le faire.
Toutefois, elle colla de nouveau ses lèvres aux miennes et prit rapidement possession de ma bouche en m'embrassant langoureusement et avec envie.
Ses mains se faufilèrent sous mon tee-shirt et se posèrent sur mon torse, avant de parcourir ma poitrine et mon dos de ses doigts tremblants. Voyant que mes mains sur elle ne semblaient pas la déranger, je les ai promenées partout sur sa peau nue. La chaleur de ses lèvres sur les miennes et de sa peau contre la mienne me rendait fou. J'en