30
Le lendemain soir, on était en train de se préparer, Flo et moi, pour aller à une soirée chez un ami à lui. Thibault était passé dans l'après-midi pour forcer son meilleur ami à y aller mais il ne voulait pas. En insistant un peu, j'avais réussi à le convaincre, malgré moi.
En vérité, je ne voulais pas y aller, moi non plus, mais j'en avais assez que Flo passe tout ses week-ends cloitré chez lui, à cause de moi. Pas que ça me dérangeait, au contraire, mais il ne pouvait pas se priver de ses soirées parce que j'étais là. Je voulais lui montrer que je faisais des efforts.
- Tu peux toujours changer d'avis, tu sais ?
- Flo ! criai-je en sursautant. Tu ne peux pas arriver en faisant du bruit comme tout le monde !
D'habitude, je l'entendais arriver mais là, j'étais perdue dans mes pensées et je me mettais du crayon noir sous les yeux. Donc je m'étais mis le crayon dans l'œil à cause de lui et les larmes commencèrent déjà à arriver. Il s'excusa et regarda rapidement si tout allait bien pour moi. Ce qui était le cas, bien sûr.
- J'en déduis donc que tu n'es pas d'accord ? dit-il en riant.
- Même si tu me crèves un œil on ira. Vas donc mettre un tee-shirt au lieu de parler.
Il partit dans la chambre en soupirant.
- Ce n'est pas la peine de faire semblant de vouloir aller à cette soirée ! cria-t-il depuis l'autre pièce.
- Détrompe-toi ! Je suis très impatiente d'y aller ! mentis-je.
- Tu ne diras plus ça tout à l'heure. Aller, on y va.
Me voilà donc, un quart d'heure plus tard, devant la porte d'un appartement, d'où sortait une musique affreuse et à plein volume. Je fis mon plus beau sourire hypocrite à Flo, et il ouvrit la porte.
- Je t'aurai prévenue, marmonna-t-il.
Lui aussi avait adopté le sourire hypocrite à ce moment là et j'ignorai sa remarque.
Il y avait tellement de monde qu'on pouvait tout juste circuler. L'appartement était plein à craquer, de la fumée de cigarette et de substances pas très légales flottait dans l'air, et tout le monde buvait dans un verre en plastique. Je ne pense pas que c'était de l'eau d'ailleurs. Je me croyais dans une série télévisée américaine où tout le monde était bourré et défoncé. Je voulais m'enfuir. Mais c'était trop tard.
On avançait jusqu'au fond de la pièce – qui devait être un salon – où je vis Thibault, Pat et un gars que je ne connaissais pas. Je les saluai et Thibault m'embrassa sur la joue.
- Reste là je vais nous chercher à boire, me cria Flo à l'oreille.
Je restai donc vers les gars qui se parlaient – ou plutôt se hurlaient dessus.
- Tu es en meilleure forme que la dernière fois, me dit le gars que je ne connaissais pas, en se penchant vers moi pour que j'entende.
- Quelle dernière fois ? Je ne te connais pas.
- J'étais chez Flo quand tu es venue avec la gueule en sang. Si on ne m'avait pas dit que c'était toi, je ne t'aurais pas reconnue ! rigola-t-il. Tu es beaucoup plus canon comme ça, si tu veux mon avis.
- Merci mais je me passerai de ton avis.
Je l'entendis rire malgré le bruit insupportable. Ce type draguait la copine de son pote. Ça devait être habituel chez eux.
Flo revint et me tendit un verre. Je bus une gorgée et heureusement, c'était du coca. Il savait que je ne buvais pas.
- Tu me dis dès que tu veux t'en aller, me dit Flo en souriant.
J'hochai la tête. Je ne lui donnerai pas raison. Je pouvais être très têtue quand je le voulais.
Il voulut danser mais j'ai catégoriquement refusé. Il ne me fera pas danser. Jamais de la vie. Ma réaction le fit rire. Je comprenais pas pourquoi, il devrait être habitué pourtant.
Durant toute la soirée, il riait avec ses amis, d'autres venaient le saluer, et moi j'étais là. Debout, à côté de lui. Quelques uns de ses potes me disaient bonjour, d'autres ne me jetaient même pas un regard. Thibault était le seul qui me parlait vraiment, sans compter Flo. Je m'ennuyais à mourir. S'il n'était pas en train de me tenir la main, je me serais déjà éclipsée discrètement depuis longtemps.
Pendant que j'admirais le talent incroyablement désastreux des danseurs et danseuses, j'ai reconnu une personne sur la piste. Cette longue chevelure noire ne pouvait appartenir qu'à une seule personne. Je ne cessais de me répéter, mais je n'aurais vraiment pas du venir. Vraiment…
Mylène était en train de se frotter le dos contre le torse d'un grand brun musclé. Au sens propre du terme. Pas du tout cliché tout ça. Au moment où e tourna la tête, elle croisa mon regard et s'arrêta de bouger. Comme j'avais beaucoup de chance, je la vis marcher dans ma direction.
- Je reviens je vais aux toilettes, dis-je à Flo.
Il m'indiqua le couloir à droite, mais je pris le chemin opposé pour attendre cette… Imbécile. Elle arriva à ma hauteur et m'emmena dans la cuisine, où il y avait moins de bruit.
- Qu'est-ce que tu me veux Mylène ?
- Je t'avais dis que j'allais te faire payer, espèce de trainée.
Si moi j'étais une trainée, je ne savais quel mot je devais employer pour la qualifier…
- Et bien vas-y, venge toi. Je t'en pris.
Ma réaction l'énervait déjà. Ce petit intermède allait être plutôt divertissant. Elle me fit un grand sourire pour montrer qu'elle se fichait de ma remarque mais sa mâchoire contractée la trahissait.
- Tu sais, je suis passée voir ton petit chéri pendant que tu étais absente. Il ne faut pas lui en vouloir, il était tout triste et il avait besoin d'une petite distraction.
- Toi, en l'occurrence ? lui demandai-je en haussant les sourcils.
Je parlais calmement, mais assez fort pour qu'elle m'entende. J'aimais la mettre en colère, même si j'avais juste envie de lui arracher les yeux.
- Il m'a dit qu'il s'amusait mieux avec moi qu'avec toi. Tu ne m'en veux pas j'espère ?
Sa voix mielleuse m'insupportait à un point inimaginable. Mais je restais souriante. Et calme.
- En même temps, à quoi tu peux servir d'autre ?
- Je me tape ton mec et c'est tout ce que tu as à dire ? dit-elle en riant.
- Que veux-tu que je te dise ? soupirai-je. Tu avais un besoin irréfutable. Je ne vais pas t'en empêcher.
- Tu es vraiment une grosse coincée ! s'exclama-t-elle. Comment il fait pour rester avec toi ?
- Je n'en ai pas la moindre idée. Par contre, j'aurais une question : il te paye combien pour une petite séance de distraction ?
J'ai entendu des rires et des chuchotements près de moi. On avait donc des spectateurs mais je m'en fichais. Je gardais les yeux rivés sur une Mylène rouge de colère, et sa main claqua sur ma joue. J'aurais pu arrêter son geste mais j'avais besoin d'une bonne raison pour me défouler. M'insulter était une chose, me frapper en était une autre. Toutefois, ce qu'elle attendait, c'était que je réponde, alors je le ferai pas ; Pour le moment. Même si l'envie ne manquait pas.
Derrière moi, la musique avait baissé et j'entendais des personnes parler, mais je n'en tenais pas compte. J'ai cru entendre la voix de Flo parmi celle des autres.
Je relevai la tête et regardai Mylène. Elle eu un petit mouvement de recule quand elle m'a regardée dans les yeux mais elle s'est vite reprise et a explosé de rire. J'avançai doucement vers elle tout en lui parlant pendant qu'elle reculait.
- Si tu oses me toucher encore une seule fois, je te ferai regretter ton existence, tu entends ? Je te referai le portrait à tel point que ton charme à la con ne fonctionnera plus sur aucun mec, ni sur personne d'autre. Tu ne pourras même plus rester devant ton miroir sans avoir envie de pleurer.
Elle n'avait pas lâché mon regard. Comme j'étais plus petite qu'elle de trois ou quatre centimètres, j'avais dû lever un peu la tête pour la regarder, ce qui enlevait un peu de ma crédibilité, mais je m'en fichais. Je pense tout de même lui avoir fait un peu peur, puisque sa voix avait perdu un peu de son entrain quand je me suis retournée pour partir.
- Tu as cru que tu me faisais pe…
Elle avait essayé de me retenir par le bras, mais je me suis retournée, et l'ai plaquée contre le mur, ma main serrée sur sa gorge. Ses yeux se sont agrandis de surprise et de peur face à ma réaction.
- Je t'avais dis de ne plus me toucher, non ? Fais attention à ce que tu fais Mylène. Très attention. Je ne suis pas le genre de personne qu'il faut énerver. J'espère que tu l'as bien compris.
Maintenant, je voyais rouge. Je resserrais davantage mes doigts, mais une main s'est posée sur mon épaule. Qui que ce soit il risquait sa vie. J'étais prête à me retourner pour le frapper, quand j'ai entendu sa voix.
- Jess, lâche-la.
Je jetai un dernier coup d'œil à cette idiote et la lâchai. Cette fois, elle avait vraiment réussit à m'énerver. Elle partit en toussant et en poussant tout ceux qui s'étaient agglutinés dans, et devant la cuisine. Je n'avais qu'une idée en tête, c'était de lui courir après pour finir ce que j'avais commencé. Je n'étais pas vraiment le genre de personne à mettre en colère, même pour une connerie pareille.
Flo tourna doucement ma tête pour que je le regarde mais j'esquivais son regard.
- Ça va ?
- Oui ça va c'est bon, lâchai-je en me reculant pour rompre le contact de sa main sur ma joue.
Il insista.
- Tu es sûre ?
- Je t'ai dis que oui !
- Ok. Je pense qu'on va y aller. D'accord ?
Il prenait beaucoup de précaution pour me parler. Surement pour essayer de me calmer.
- Non, c'est bon, ça va.
- Je ne pense pas q…
- Je t'ai dis que ça allait ! m'exclamai-je en le regardant. Et puis elle est partie de toute façon.
- D'accord. Comme tu veux.
Il s'approcha de moi mais je me suis dirigée vers la table de la cuisine. J'ai pris une bouteille à moitié plaine d'un liquide brun et j'en ai versé dans un verre avant de le boire complet. C'était vraiment dégueulasse ! Mais si certaine personne se mettent à boire pour aller mieux, peut-être que ça me calmera.
- Et bien dit donc ! Elle est à fond ta copine Flo ! rit un gars que je n'avais jamais vu.
Il restait quelques personnes dans la pièce et la musique avait repris. Flo leur ordonna de dégager mais je n'ai pas fait attention s'ils avaient fait ce qu'il avait demandé. J'étais occupée à me remplir un second verre. J'allais le porter à mes lèvres quand Flo me le prit des mains. Je lui jetai un regard noir et lui demandai de me le rendre, mais il n'en fit rien.
- Tu sais ce que ça donne quand tu bois, dit-il doucement en posant le verre sur la table.
- Justement.
- Viens là.
Il me prit par la main et tenta de m'attirer contre lui mais je me reculai.
- S'il te plait.
Je soupirai et le laissai faire. Je me suis écartée au bout de quelques secondes et me suis adossée à l'évier en croisant les bras.
- T'as tout vu ? lui demandais-je.