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- Parce que.
- Ce n'est pas une réponse, lui fis-je remarquer.
- Pour moi, ça l'est.
Je mis mes mains sur ses hanches et reculai jusqu'à son lit, où je me suis assis. Je la tirai doucement pour qu'elle s'installe à califourchon sur mes genoux. Elle hésita seulement quelques secondes.
- Je paris que tu n'arrives pas à être en colère quand je souris, lui dis-je sans me départir de mon arme.
- Tu le sais, alors pourquoi tu me poses la question, bougonna-t-elle.
J'allai l'embrasser quand elle se releva brusquement.
- Je déteste quand tu fais ça ! m'exclamai-je en m'effondrant sur son lit.
- Et moi je déteste quand tu t'invites chez moi comme ça.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, pour me montrer qu'elle était déterminée.
- Tu veux que je m'en aille ? lui proposai-je sans vraiment y penser.
Jess tourna la tête pour esquiver mon regard et je me relevai. Je posai mes deux mains sur ses joues pour l'obliger à me regarder et je réitérai ma question. Elle ne me répondit pas mais ses yeux parlaient à sa place ; ils étaient rivés sur mes lèvres.
- Je le savais que tu ne pouvais pas te passer de moi.
- Ne te crois pas irrésistible quand même ! s'indigna-t-elle en rougissant après m'avoir repoussé.
J'ai rigolé et l'ai prise dans mes bras. Voyant qu'elle ne participait à ce petit câlin, je me suis un peu reculé pour prendre ses deux mains et les passer autour de mon cou.
- C'est comme ça un câlin de réconciliation, très chère.
Elle me serra contre elle et nicha sa tête contre mon cou.
- Tu m'as manqué, m'avoua-t-elle pour la première fois.
- Toi aussi, chuchotai-je en la rapprochant davantage de moi.
Elle m'a repoussé après quelques secondes de silence et a plaqué un rapide baiser sur mes lèvres. Comme ce n'était pas suffisant, je l'ai embrassée à mon tour. Plus longtemps. Plus langoureusement.
On a passé les deux heures suivantes à parler d'un peu tout, assis sur son lit. De ses cours, de mon travail, de sa chambre parfaitement rangée alors qu'elle m'avait dit qu'elle n'y était pas la dernière fois, de son frère qui n'était pas si crétin que ça… Je l'ai entendue rire plusieurs fois et je me suis rendu compte que ce son était tout bonnement merveilleux et magique.
Kelly, sa petite sœur, a fait irruption dans la chambre pour nous prévenir que le dîner était près. Elle est entrée de la même façon que moi. C'est-à-dire, sans frapper. Juste au moment où j'étais penché sur sœur, en train de l'embrasser. Évidement, elle n'aurait pas pu entrer quelques minutes plus tôt.
Jess m'a immédiatement repoussé et les deux ont autant rougit l'une que l'autre. Elles n'étaient pas sœurs pour rien ces deux là. Pourtant, même sans cela, elles se ressemblaient énormément : mêmes yeux, mêmes cheveux, même visage. J'étais certain que si j'avais une photo de Jess avec cinq ans de moins, j'y verrais Kelly.
Dans la salle à manger, la table était mise et tout le monde était déjà installé. Jess s'est assise en face de sa sœur, moi en face de son frère. Sa mère étant en bout de table. Pendant tout le repas, elle m'a posé beaucoup de questions son mon travail et sur comment on s'était rencontré avec Jess. Elle était vraiment sympa. Kelly aussi me parlait un peu, mais j'avais l'impression qu'elle n'osait pas me regarder dans les yeux, ce qui m'amusait beaucoup.
Fabien, quant à lui, n'avait pas ouvert la bouche une seule fois, et ne m'avait pas lâché du regard. C'était horriblement stressant de se sentir observé à ce point.
Toutefois, la famille de Jess avait l'air de vraiment bien s'entendre. Sauf qu'il manquait son père. Jess ne m'avait jamais parlé de lui, alors je préférais ne pas aborder ce sujet. Moi non plus je n'avais pas parlé de mes parents avec elle. Aussi, quand sa mère me demanda ce que faisaient mes géniteurs, j'ai été embêté de devoir plomber l'ambiance. Mais je ne voulais pas mentir alors j'avais seulement annoncé qu'ils n'étaient plus là et on ne m'a pas posé de questions supplémentaires sur eux.
Après ce repas, je les ai aidé à débarrasser et quand j'ai voulu retourner dans la chambre avec Jess, Fabien m'interpela.
- Je peux te parler ?
- Hum… Je suppose.
Jess essaya de dissuader son frère mais il campa sur ses positions. Il m'a fait entrer dans sa chambre et je me suis installé sur la chaise de bureau, pendant que lui prenait place sur son lit. Je ne me suis pas attardé sur l'aspect de sa chambre et je l'ai tout de suite prévenu.
- Si c'est pour me menacer encore une fois ce n'est pas la peine. Tu ne me fais pas peur. Je me suis remis avec Jess, et je ne la laisserai pas repartir une seconde fois, quoique tu puisses en dire.
- Pour qu'elle raison exactement tu es avec elle ?
Sa question m'a un peu déstabilisé. Je m'attendais à ce qu'il me frappe, ou qu'il me hurle dessus, mais pas à ça. Mais c'était positif puisque ça signifiait qu'il essayait de comprendre.
- Je tiens beaucoup à elle.
- Tu tiens à elle mais je suis certain qu'elle ne t'a pas parlé d'elle. De son passé. Je me trompe ?
- Non, tu as raison. Et ça prendra le temps qu'il faudra pour qu'elle me parle.
- Quand elle le fera, tu n'as pas intérêt à la laisser tomber, me prévint-il sérieusement.
Je me doutais déjà qu'elle avait un passé difficile et à en juger par la réaction de Fabien, ça avait l'air d'être quelque chose de vraiment important. Et pas facile à supporter.
- Encore une menace ?
- Toujours, en ce qui concerne Jessie.
- Pourquoi tu es si protecteur ? voulus-je savoir.
Il soupira et me regarda dans les yeux avant de me répondre. Ses iris étaient de la même couleur que celles de ses sœurs et de sa mère.
- Comme tuas pu le voir, ma mère est un peu trop naïve. Elle te fait confiance alors qu'elle ne t'as vu qu'une demi-heure.
- Et ton père ? tentai-je.
- Il n'habite plus avec nous, répondit-il vaguement.
- Donc tu es l'homme de la maison, et tu as peur de laisser partir ta sœur.
- C'est ça, admit-il en hochant la tête.
- Tu as une autre sœur à t'occuper maintenant, et vu sa ressemblance avec Jess, tu vas avoir du soucis à te faire avec elle. Alors laisse-moi prendre soin de Jess. Je ne veux que son bien, tout comme toi.
- C'est bien à contrecœur. Mais tu ne me donnes pas trop le choix, pas vrai ?
- Exactement ! rigolai-je.
- Je maintiens toujours la menace que je t'ai faite la dernière fois, me rappela Fabien que je me suis levé.
- Tu n'auras pas besoin de la mettre à exécution, le rassurai-je avant de sortir.
Je suis entré dans la chambre voisine, où Jess était couchée sur son lit. Elle se redressa quand elle me vit ouvrir la porte.
- Qu'est-ce qu'il t'a dis ?
- Rien de spécial, lui souris-je.
- Vous n'avez rien dit pendant un quart d'heure ? Tu te fous de moi ?
- Tu as tout compris, lui dis-je avant de m'approcher et de l'allonger sur son lit.
- Flo, répond…
- Plus tard, la coupai-je pour l'embrasser.
Je suis rentré chez moi vers vingt-deux heure. Ce week-end a été à la fois l'un des plus flippant et l'un des meilleurs de ma vie.
Le lendemain midi, je suis passé chercher Jess au lycée pour qu'on aille manger chez moi. J'ai appris, seulement maintenant, qu'elle ne mangeait pas avant d'aller au café le midi. Voilà encore une chose qui allait changer. Le bleu sur sa joue n'était pas très joli mais elle avait atténué la couleur avec du fond de teint. Sa lèvre n'était pas non plus guérie mais elle avait déjà l'air un plus en forme qu'en arrivant chez moi samedi soir. En même temps, ce n'était pas bien compliqué.
Tout les midis de la semaine, je suis venu la chercher et je l'ai ramenée au lycée juste après. Nos conversations étaient toujours les mêmes : boulot et cours. Mais ça me convenait. J'avais retrouvé Jess et j'étais vraiment heureux.
Ce week-end, Jess n'avait dormi chez moi que le samedi soir, puisqu'elle avait un rendez-vous médical le matin même. Une simple visite de routine, m'avait-elle dit. J'étais donc allé la chercher chez elle et on avait passé une soirée tranquille et une nuit sans cauchemar.
En à peine quelques jours, on avait déjà prit nos petites habitudes.
Le vendredi suivant, quand je suis rentré chez moi après le travail, Jess et Thibault étaient dans le salon, en train de rigoler. Mon meilleur ami avait finit le travail plus tôt que moi. Un petit grain de jalousie pointait le bout de son nez dans un coin de ma tête, mais je le fis rapidement disparaître. Enfin, du mieux que je pouvais.