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- C'est une blague ?
- J'aimerais bien.
Je déglutis difficilement pour me remettre de ma surprise. Mon père ne nous a jamais invité chez lui, alors pourquoi maintenant ? Je me demande bien ce qu'il lui prend…
- Et tu n'y vas pas je suppose ? demandai-je à Fabien.
- Bien sûr que non.
Mon frère ne pourrait pas rester deux jours en compagnie de mon père sans péter un câble.
- C'est bien ce qu'il me semblait.
- Et tu vas y aller toi ? me questionna Flo.
- Je ne sais pas.
- J'ai oublié de te dire qu'il a bien précisé que c'était pour être en famille. Il a insisté sur le fait que personne d'autre n'était invité. Je peux dire sans me tromper qu'il faisait référence à toi Flo.
- Bon et bien la question ne se pose même plus. Je ne viens pas, concluai-je.
- Tu devrais peut-être y réfléchir Jess, me dit Flo.
- Mon père a réfléchi pour moi. Pour une fois qu'il sait se rendre utile…
Je me levai pour me servir un verre d'eau et servis les garçons au passage.
- Tu ne devrais pas parler de ton père comme ça.
- Dit celui qui insulte le sien de connard… répliquai-je.
- Ne parle pas de lui Jess. Il n'a rien à voir là-dedans et c'est complètement différent.
- Désolée…
On continua de manger dans le silence quelques secondes avant que Fabien intervienne.
- Donc je dis à maman que c'est non ?
- Oui. Mais tu lui dis que je préviendrai papa moi-même.
- D'accord.
Je débarrassai mes affaires et les laissai en leur disant que je devais finir mes devoirs. Je passai par la salle de bain avant pour me faire ma piqûre. Je déteste faire ça, j'ai l'impression d'être une toxico… Mais je préfère la faire. J'ai déjà essayé de m'en passer, et je n'ai pas durer deux jours sans ressentir les effets du manque. Je sentais encore mes muscles se serrer, se contracter les uns après les autres, ma gorge se dessécher et des bourdonnements atroces résonner dans ma tête. J'avais voulu essayer une seconde fois quelques mois après, mais ça avait fait la même chose. Depuis, je n'ai plus jamais tenté. Ça ne servait à rien, j'étais devenue dépendante à tel point que je pense que je serais capable d'en mourir si je n'avais pas dose journalière. Ce n'était peut-être qu'une impression, mais elle persistait dans mon esprit. Et la douleur ne rendait cette impression que trop vraie !
J'étais couchée sur le lit avec un livre de Victor Hugo quand on toqua à la porte.
- Oui ?
Ça ne pouvait être que Fabien. Flo ne frappe jamais.
- Je croyais que t'avais des devoirs ? rit-il en s'asseyant sur le lit.
- C'est pour mes cours.
Je n'aime pas particulièrement cet auteur mais je n'ai pas vraiment le choix.
- Ah ok. Je vais y aller mais je voulais te dire quelque chose avant.
- Oui, quoi ?
Je déposai mon livre pour me concentrer sur ce qu'il voulait me dire.
- Je sors avec une fille depuis deux semaines.
Je me rapprochai de lui un grand sourire aux lèvres.
- Et tu me le dis que maintenant ? Elle s'appelle comment ?
- Camille, me sourit-il.
Je perdis mon sourire dans la seconde.
- Je te préviens que si tu me dis que tout le monde l'appelle Cam, qu'elle est grande et que c'est une blonde platine qui chercher la merde, je t'étrangle.
Il me regarda, interloqué.
- Je sais pas comment tout le monde l'appelle, mais moi je l'appelle par son prénom. Après, oui elle est assez grande mais ses cheveux sont roux.
- Ah ! Merci ! soufflai-je.
- Toi, t'as eu des problèmes avec une grande blonde qui s'appelle Cam, je me trompe ?
- Pas du tout !
- Mais elle s'appelait pas Mylène ? demanda-t-il en riant.
- C'est une autre fille.
- Qu'est-ce qu'elle a fait elle ?
- C'est l'ex de Flo et elle a essayé de le mettre dans son lit il y a pas longtemps.
- Et tu l'as frappée elle aussi ?
- Non, mais j'en meurs d'envie !
Il explosa de rire et je fis de-même.
- Tu l'a connais depuis longtemps ? lui demandai-je une fois ressaisie.
- Elle travaille avec moi depuis quelques mois.
Mon frère est photographe dans une petite agence de mannequins. C'est pas très connu mais il est très bien payé et il a toujours rêver de travailler dans la photographie.
- Elle travaille avec toi ou elle fait parti des mannequins ?
J'arquai un sourcil et lui fis un petit sourire qui en disait long.
- Elle est mannequin, me sourit-il. Mais tu sais je t'en avais déjà parlé. C'est elle qui avait envoyé chier toutes les autres filles de l'agence il y a quelques mois. À cause d'elle, il y en a trois qui avaient démissionné.
- Ah oui ! C'est elle qui avait foutu la merde ?
- Voilà, confirma-t-il en riant.
- Et tu sors avec une fouteuse de merde ?
- Ma petite sœur est l'exemple même de la fouteuse de merde professionnelle.
- Ta gueule ! m'exclamai-je en le poussant.
Il s'écroula sur le lit, mort de rire.
- J'avais pas arrêté de me prendre la tête avec elle après ça, reprit-il sérieusement. Elle m'énervait à un point phénoménal. Mais au fur et à mesure qu'on se voyait pour travailler, je l'appréciais de plus en plus. Il y a deux semaines, je l'ai invitée à sortir un soir et depuis on sort ensemble.
Je me suis accoudée à côté de lui qui était toujours couché sur le lit.
- Mon grand frère serait-il amoureux ?
Un grand sourire se dessina sur son visage.
- Il semblerait, en effet.
- Si elle te fait du mal, je lui refais le portrait. Comme ça elle sera moche et elle pourra plus être mannequin, lançai-je en me couchant à côté de lui.
- A la base, c'est au grand-frère de protéger sa petite sœur, pas l'inverse.
Je sentis à sa voix qu'il souriait.
- Je m'en fiche des principes. C'est pas ça qui m'empêchera de l'égorger.
- Non tu le feras pas. C'est dévalorisant de se faire défendre par fille.
J'émis un petit rire. Flo m'avait dit la même chose.
- Flo m'a fait la même remarque.
- Et bien remet toi en question et reprend ton rôle de fille, me dit-il en me donnant un petit coup d'épaule.
- J'ai pas envie !
Il serra ma main dans la sienne et on resta silencieux quelques instants.
- Je comprends maintenant ce que tu ressentais au début de ma relation avec Flo.
- C'est-à-dire ?
- Je suis déjà jalouse d'elle.
- Hé ! J'étais pas jaloux de Flo ! s'indigna mon frère.
- Menteur, ris-je.
- Ok, peut-être un peu…
Je lui jetai un coup d'œil.
- Bon ok j'étais jaloux. Mais j'avais mes raisons…
- Je sais.
Je me mis sur le côté pour lui faire un bisou sur la joue. Il se releva juste après.
- Je vais y aller.
Je le suivis jusqu'au salon. Il dit au revoir à Flo qui jouait à la Xbox et j'ouvris la porte. Il me prit dans ses bras et sortis.
- Tu me la présenteras ?
- Évidement. Bonne nuit Jessie. Je t'aime.
- Bonne nuit Fabien.
Je refermai derrière lui et m'installai vers Flo. Je pris une manette et il recommença une partie pour qu'on puisse jouer à deux.
- Même si c'est ton frère, je crois que je ne m'habituerai jamais à entendre un autre mec te dire « je t'aime « …
- Tu dis jamais à ton frère que tu l'aimes ?
- Ah non ! Ça ne risque pas d'arriver !
On a rit tous les deux. J'imaginai les deux garçons se dire des mots doux face à face et c'était plutôt glauque. J'ai donc décidé de changé de sujet.
- Il a une copine.
- Je sais.
- Comment tu sais ? Tu nous a écouté ? demandai-je étonnée.
- Non non. Il me l'a dit tout avant d'aller te voir. J'oserais jamais écouter vos conversations Jess.
- Ça y est vous êtes des grands potes maintenant ! ris-je.
- Ça ne te plaît pas ?
- Oh que si. Ça me rend plus qu'heureuse. J'avais peur au début que vous ne vous entendiez jamais, et j'avais peur de devoir choisir entre vous deux. Quelque chose que je n'aurais jamais pu faire… Mais la question ne se pose pas puisque tu es même au courant avant moi que mon frère est amoureux !
- Il m'a juste dit qu'il avait une copine, mais pas qu'il était amoureux, sourit-il. Mon amour serait-elle jalouse ?
- Presque autant que toi ! ris-je.
- Bon ! T'es prête ?